Guillaume Jobin avait-il prédit le scénario du chantage royal ?

Dans Route des Zaërs, le roman de Guillaume Jobin paru en mai 2015, l’intrigue rappelle à bien des égards l’affaire du chantage présumé d’Éric Laurent et Catherine Graciet sur le roi.

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Quand la réalité rattrape la fiction. Guillaume Jobin se dit avoir été « sur le c** » lorsqu’il a appris l’arrestation d’Eric Laurent et Catherine Graciet, accusés de chantage sur le roi du Maroc. Pourtant, dans son roman Route des Zaërs (Editeurs de talents, mai 2015), le président de l’École supérieure de journalisme de Paris emmène le lecteur dans un univers à la frontière du journalisme et de l’espionnage si bien documenté que le discernement entre la réalité et la fiction devient ardu. Surtout quand l’actualité vient confirmer ses hypothèses de romancier.

L’auteur de Lyautey, le Résident et de Mohammed V, le Sultan assure que ses échanges avec Catherine Graciet se sont limités à des accusations sur Facebook, et qu’il n’en a jamais eu avec Eric Laurent qu’il considère comme « un mec dangereux » . Néanmoins, il confirme que lorsqu’il décrit ses personnages Catherine Henriot, « une journaliste réputée pour son tropisme algérien […] reconvertie en auteur de livres commandés, maltraitant les régimes qui ont maille à partir avec Alger » et Patrick Allibert qui « écrivit des livres insipides à la gloire d’Hassan II qui passait plus de temps à corriger le style de son “nègre” qu’à lui expliquer son règne », il a bien en tête Catherine Graciet et Éric Laurent.

Rabat, nid d’espions

L’action principale se déroule dans un Rabat que le lecteur qui a un jour parcouru la capitale du royaume se plait à reconnaître. Guillaume Jobin y plante le décor d’une affaire d’espionnage. L’auteur raconte qu’après la lecture de Route des Zaërs, un employé de l’Ambassade de France était bluffé par la précision des informations a priori confidentielles intégrées au roman, « exception faite de l’entrée secrète du Conseil Royal de la sécurité, au troisième sous-sol du parking de la place Pietri à Rabat ».

La ressemblance avec l’actualité atteint son paroxysme avec cette péripétie : le fictif Patrick Allibert, nègre d’Hassan II, menace de publier une critique sur la monarchie. Le manuscrit est racheté en douce par un cadre du Palais. Cette affaire se déroule autour de l’hôtel Royal-Mansour de Marrakech où, vexé de ne pas avoir une chambre réservée par le Protocole, Allibert « écrit avec sa consœur, Corinne Henriot, un brûlot à charge, de mauvaise foi et diffamatoire sur des investissements de la Famille royale dans l’économie », dont le manuscrit circule gratuitement au format PDF sur Internet.

De la réalité à la fiction, et vice versa

Pour le manuscrit au format PDF sur Internet, Guillaume Jobin s’est inspiré du livre de Moulay Hicham. En revanche, pour le brûlot vengeur, il reconnaît avoir été interpellé par l’expulsion de Jean-Louis Perez et Pierre Chautard alors qu’ils réalisaient un documentaire pour France 3. « Officiellement, ils préparaient un documentaire sur l’économie marocaine, mais leurs tournages n’avaient lieu qu’à Marrakech et Rabat. Un documentaire économique, sans passer par Casablanca, ça sentait le truc louche, » se rappelle Guillaume Jobin. Catherine Graciet participait à la réalisation de ce documentaire. Le livre qu’elle s’apprêtait à publier avec Eric Laurent devrait s’intituler « Affaires de famille ».

À plusieurs reprises, en répondant aux questions de Telquel.ma, Guillaume Jobin se reprend : « Ah non, ça c’est dans le bouquin, ce n’est pas la réalité ». Des lapsus qui brouillent les pistes et ne manquent pas de dérouter le lecteur rationnel. Sur sa page Facebook, l’auteur écrit que « les ingrédients de [s] on roman sont de l’information, de l’analyse et de la déduction et de l’imagination, les % de la recette varient selon les pages. »

capture statut jobin

Aux origines de son roman, début 2015, Guillaume Jobin avait d’ailleurs écrit quelques pages, journalistiques, livrant son analyse des relations franco-marocaines s’appuyant notamment sur l’expulsion des deux journalistes en février. « J’avais prévu de confier ces 2-3 pages à un canard, mais en brodant autour et en ajoutant des déductions, j’ai écrit  200 pages qui sont devenues Route des Zaërs ». Guillaume Jobin signait là son premier ouvrage de fiction. À moins que ce ne soit pour le prochain.

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