Images sans paroles

Par Fahd Iraqi

Mohammed VI a inauguré cette semaine la Maison de la presse à Tanger. Un complexe dédié aux hommes des médias et qui se veut à la fois un centre de recherche et de formation mais aussi un espace de loisirs. Salle de conférences, théâtre, bibliothèque, piscine, parc de jeux pour les enfants… nos confrères du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), à l’origine de cette initiative, ont vu les choses en grand en mobilisant près de 15 millions de dirhams pour ce projet. Ça tombe bien, on s’éclate de moins en moins dans la profession… Mais ce n’est pas sur des considérations corporatistes que l’on va s’attarder !

Cette inauguration de notre Sahafa House (voir p. 22) n’est pas comme les autres. Il s’agit de la première activité royale qui touche de près au secteur médiatique. Elle peut laisser entrevoir un certain retour en grâce de la presse nationale. Jusque-là, les représentants de la profession n’ont pas été en odeur de sainteté auprès des hommes du Palais. Sinon comment expliquer que le roi n’ait plus jamais embarqué de journalistes marocains dans ses tournées à l’étranger depuis 2002 ? Depuis une douzaine d’années, seuls les big boss des médias officiels et des journalistes étrangers triés sur le volet accompagnent le souverain dans ses déplacements. Mohammed VI est d’ailleurs un des rares (peut-être même l’unique) chefs d’Etat qui ne parlent pas aux médias de leur pays. Le centre du pouvoir du royaume chérifien ne compte pas de presse accréditée, si ce n’est les cameramen attitrés de « l’équipe royale ». Mêmes les activités officielles présidées par Mohammed VI au royaume ne sont qu’à de très rares occasions ouvertes aux représentants de l’opinion publique.

Le fait que Mohammed VI inaugure un projet structurant pour la presse, qu’il pose en photo avec nos confrères, est un signal très positif. Il donne envie d’espérer, d’y croire… On peut ainsi imaginer que pour le prochain déplacement royal en Chine, les médias nationaux pourront se mêler à la délégation accompagnant le monarque. Et du moment que les espoirs sont toujours permis, espérons même voir un jour Mohammed VI tenir une conférence de presse, comme l’a fait à plusieurs reprises son père. Et pourquoi pas faire encore mieux : accorder, inchallah, un entretien télévisé à un panel de journalistes marocains.

« Sacrilège ! », s’offusqueront les tenants d’une vision archaïque du régime monarchique. « Comment imaginer que Sa Majesté puisse répondre à des questions posées par ses sujets ? ». N’en déplaise à ces défenseurs zélés du protocole, une telle approche dans la communication royale ne peut être que bénéfique. Elle va dans le sens de l’histoire, dans le sens de cette construction démocratique que le régime nous promet. Les communicants expérimentés du Palais sont conscients 
de cette réalité, mais n’osent pas encore l’admettre. Pourtant, franchir ce mur du son, basculer d’une com’ royale muette à l’insertion de la piste audio, ferait sauter bien des verrous. Les conseillers du roi, ces spin doctors très influents, n’auront plus aucune excuse pour garder le silence.