A contre-courant. Alger cherche jeune dictateur désespérément

Par Omar Saghi

Un quatrième mandat pour Bouteflika semble défier un ensemble de règles : politiques, constitutionnelles, médicales… et affirmer, sans conteste, la puissance de la junte au pouvoir à Alger. Voilà pour l’aspect émergé de l’affaire. Car il y a aussi ses soubassements, sans doute plus essentiels. Je m’en tiendrai à un seul, logique : il n’est pas besoin de connaître l’Algérie, sa politique, son économie, pour poser le constat suivant. Un régime qui ne trouve personne pour le représenter, hormis une momie, est aux abois. Loin de proclamer le monolithisme triomphant du Parti-Etat, la candidature de Bouteflika, sa victoire probable, confirmeront au contraire une fuite en avant générationnelle inédite.

Hafez Al Assad avait Bachar, et Moubarak ses fils ou sa garde rapprochée, plus jeunes. Alger n’a plus rien. Peut-être n’a-t-elle même jamais eu de continuateurs potentiels, et c’est tout à son honneur, en un sens. A la différence de Damas, de Tripoli ou du Caire, il n’y a pas eu de tournant dynastique chez le FLN. Les raisons en sont complexes. On peut, sans être exhaustif, en pointer quelques-unes. L’Algérie a, depuis 1988, formé une originale mixture d’autoritarisme et de système multipartisan. Les plus militants, les plus ambitieux, les plus idéalistes parmi les jeunes ont été happés par ces formations. Par ailleurs, en bons Mamelouks, les autocrates au pouvoir ont poussé leurs propres enfants vers d’autres horizons géographiques et professionnels : ils ne se sont pas reproduits politiquement, préférant placer leur progéniture dans la banque ou les affaires, et de préférence hors de l’Algérie. Enfin, la manne pétrolière a suralimenté le régime sans passer par les fourches caudines de la société civile. Le pouvoir en place, civil et militaire, est devenu une pyramide inversée, en entonnoir, une catastrophe démographique incarnée.

La gérontocratie algérienne est désormais unique en son genre. L’Union Soviétique sous Andropov avait Gorbatchev et sa perestroïka qui attendaient patiemment, l’Arabie Saoudite a ses princes de la génération suivante, plus très jeunes certes, mais encore verts comparés à ceux qui règnent actuellement. Alger n’a plus que Bouteflika, pour son malheur, et paradoxalement, son espoir et celui des démocrates gisent dans cette impossibilité à se trouver un fringant jeune dictateur. Personne ne pointe au guichet du recrutement.

Il fut un temps où Alger, parfois en mal de Bey, demandait à Istanbul de lui envoyer quelque Bosniaque ou Kosovar, pour départager les candidats locaux et relancer la machine. L’Istanbul d’aujourd’hui, Moscou, est empêtré dans ses propres contradictions de voisinage, et l’époque n’est plus aux janissaires étrangers.

Reste Bouteflika, à l’image de la génération 1962 : son glorieux passé tiers-mondiste, sa diplomatie flamboyante, les industries industrialisantes… l’eau a coulé sous les ponts, le fleuve est desséché, et plus rien ne vient relayer une histoire terminée. L’Algérie, et le Maghreb tout entier, attendent la fin biologique d’un monde stérile et sans progéniture, politiquement mort depuis quelques années au moins.

Et en attendant, si vous avez moins de cinquante ans, un penchant pour l’autoritarisme et la paranoïa, et l’irrésistible besoin de vivre dans les années 1960, prière d’envoyer CV et lettre de motivation, Alger, poste restante, avant début avril.