Plan d’urgence. Des milliards pour Casablanca

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Discours royal oblige, les gestionnaires de la ville veulent accélérer les travaux de développement de la métropole. Les détails.

Dévoilé il y a quelques mois déjà, le plan de modernisation du Grand Casablanca a été rebaptisé Plan d’urgence. Lors d’une conférence de presse au siège du Conseil de la ville, le maire et le wali du Grand Casablanca ont tenu à réexposer les grands axes de cet ambitieux plan qui, à terme, « changera la face de Casablanca », nous promet-on.  Et, comme par magie, les fonds ont commencé à être débloqués dès que Mohammed VI a martelé, devant le parlement, que la gestion de la métropole économique était catastrophique. Ainsi, le ministère de l’Intérieur déboursera, rien que pour cette année, la somme de 1,16 milliard de dirhams. « Cette enveloppe exceptionnelle fait suite au geste royal envers Casablanca », nous déclare le président du Conseil de la ville, Mohamed Sajid. Une conjoncture qui ne peut mieux tomber pour le fraîchement nommé wali de Casablanca, Khalid Safir, qui dans son allocution, a consacré une phrase sur deux aux « instructions royales », tout en multipliant les « hamdoullah ».

Le Conseil de la ville a réussi à obtenir, en tout, une enveloppe globale de 2,8 milliards de dirhams. Cette somme servira à finaliser ou à enclencher des projets sélectionnés par ordre d’urgence. Ainsi, 250 millions de dirhams seront alloués à l’amélioration du taux de raccordement de l’ensemble des citoyens au système d’assainissement. Car, oui, à Casa, des quartiers entiers, habités par plus de 50 000 habitants, restent déconnectés du réseau de collecte des eaux usées.

Cette opération rentrera dans le cadre du programme de désenclavement des quartiers périphériques, notamment les douars des Mkanssa et ceux de Sidi Ahmed Belahcen dans le sud-est de la ville. Ces zones, oubliées du schéma d’urbanisation, ne disposent pas d’accès à l’eau ni à l’électricité, et ne possèdent ni routes ni ruelles.

Par ailleurs, la fluidification de la circulation à Casablanca nécessitera quelque 350 millions de dirhams. Outre le renforcement des artères et boulevards de la ville, de nouvelles routes permettant de contourner le centre-ville relieront les sorties nord et sud de la métropole. La zone sud, devenue depuis plusieurs années un quartier d’affaires, va également voir sa voirie améliorée. Ainsi, le nœud A, qui désigne l’échangeur à l’extrémité sud de l’autoroute Rabat-Casablanca, sera doté de nouveaux raccordements via des bretelles débouchant sur le quartier de l’Oasis. Ces réaménagements permettront de mieux écouler le trafic sur les artères menant notamment à Sidi Maârouf, saturées par les embouteillages. De plus, une centrale pour gérer la circulation sera mise en place, un investissement qui coûtera 20 millions de dirhams.

Et qui dit meilleure circulation des personnes, dit besoin de sécurité. Plus de 110 millions de dirhams financeront le renforcement des dispositifs sécuritaires en ville. Pour 40 millions, la ville s’équipera de 500 caméras de surveillance qui seront implantées sur les grands boulevards. Les fonds du ministère de l’Intérieur serviront, qui plus est, à moderniser les équipements de la sûreté nationale.

Revoir la gestion déléguée

« Une nouvelle société d’économie mixte va gérer tous les contrats de gestion déléguée de la ville », a annoncé Mohamed Sajid. Selon lui, cette externalisation permettra d’optimiser le rapport aux sociétés privées opérant dans la distribution d’eau, d’électricité, d’assainissement et le transport urbain. Concernant le ramassage des déchets, le nouvel entrant, Averta, s’est engagé à investir quelque 480 millions de dirhams dans du nouveau matériel roulant et de l’équipement écologique. En outre, le Conseil de la ville a décidé de soutenir M’dina Bus, en prenant en charge l’acquisition de 200 nouveaux bus. « M’dina bus souffre d’un déficit annuel de 100 millions de dirhams qui l’empêche d’investir », justifie Mohamed Sajid. De son côté, la Lydec s’est engagée à réserver 560 millions de dirhams aux travaux et ouvrages de raccordement de l’ensemble des quartiers de la ville aux services de base, ainsi qu’au renforcement des infrastructures déjà existantes.

En cette année 2014, cinq projets verront le jour. Le rond-point connu sous le nom Chimicolor, près du quartier commercial Derb Omar, sera doté d’un nouveau passage souterrain, actuellement en fin de travaux. Prévue pour janvier, l’inauguration de cette trémie a été reportée au mois de mars. Autre infrastructure importante, les travaux d’élargissement de l’autoroute urbaine de Casablanca se termineront en avril prochain. Ce tronçon verra ses voies tripler. « Cela permettra aux conducteurs de gagner du temps, sans oublier les retombées sur l’activité économique », assure Sajid. Les Casablancais renoueront avec les parcs d’attraction avec la réouverture, promise pour la fin de l’année, du nouveau complexe Sindibad. Celui-ci a été modernisé par des groupes privés qui, à côté de l’espace de jeux et d’attraction, y construiront des complexes hôteliers.

Le métro aérien pour 2018

Plusieurs projets, dits structurants, sont lancés en parallèle à ceux en cours. Les instances de la ville, qui en cherchent encore les financements, ont décidé à quels chantiers s’attaquer. Ainsi, pour éviter les grandes crues de l’Oued Bouskoura, un projet de déviation est à l’étude. L’idée consiste à mettre en place un dispositif d’évacuation des eaux de l’oued débouchant directement sur l’Océan Atlantique au niveau de Sidi Abderrahmane. Ce projet, dont la livraison est promise pour 2018, est évalué à 700 millions de dirhams. Par ailleurs, pour combler le besoin en transport urbain sur les zones non desservies par le tramway, le wali Khalid Safir a promis que le métro aérien serait également opérationnel dans quatre ans. « Les études sont quasi-terminées», a-t-il annoncé. Nécessitant une enveloppe de 9 milliards de dirhams, ce projet connectera les quartiers sud de Casablanca, de Moulay Rachid à Bourgogne en passant par Derb Soltane et Maârif. Mais, pour l’instant, le Conseil de la ville n’a pas encore conçu le montage financier du projet. « Nous allons probablement recourir à un emprunt garanti par l’Etat, en plus des fonds propres que l’ont peut lui réserver », nous explique Mohamed Sajid.

La culture est également au programme. « Les études de réalisation du grand théâtre de Casablanca ont bien démarré », annonce le maire. Cet établissement, qui nécessitera la colossale somme de 1,4 milliard de dirhams et trois ans de travaux, ouvrira ses portes en 2017.

Gouvernance. La grogne des conseillers

En marge de la conférence de presse, une quarantaine de conseillers communaux ont dénoncé le processus de mise en place du plan d’urgence et pointé du doigt les limites de la gouvernance locale. La méthodologie du Conseil de la ville a fait des mécontents. De plusieurs bords politiques, y compris du parti du maire (UC), plusieurs conseillers communaux se sont réunis pour s’indigner de leur exclusion de l’élaboration du plan d’urgence. Ce dernier ayant été conçu par les membres du Conseil de la ville et les présidents des arrondissements sans inviter les élus des communes. « C’est nous qui sommes sur le terrain et maîtrisons le dossier. Et c’est la charte communale qui stipule qu’on doit participer à ce genre de plans», a expliqué à TelQuel Youssef Errkhis, conseiller du Mouvement populaire (MP). Lui et ses compères de l’USFP et de l’Istiqlal se sont donné rendez-vous à la prochaine session du Conseil de la ville, le 27 février, pour soumettre leurs critiques sur l’avancement du plan et convier les responsables à un débat.

 

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