Quel regard portez-vous sur l’évolution de l’industrie aéronautique au Maroc ?
L’évolution de l’industrie aéronautique au Maroc est marquée par une croissance soutenue et des avancées significatives. Cela est le résultat de la vision éclairée de SM le roi Mohammed VI que Dieu L’assiste, et à une succession de politiques industrielles ambitieuses et proactives. En moins de deux décennies, notre pays a réussi à devenir une plateforme aéronautique de premier plan, consolidant sa position dans les chaînes de valeur mondiales et attirant de plus en plus d’investissements internationaux dans ce secteur.
Des entreprises de renommée mondiale, telles que Boeing, Airbus et Safran, ont choisi d’implanter leurs usines au Maroc, attirées par un environnement favorable aux affaires et des incitations gouvernementales attrayantes.
A ce titre, les récentes signatures lors du Marrakech Air Show représentent un véritable symbole de l’évolution de l’industrie aéronautique nationale, que ce soit la signature de l’accord de coopération aéronautique entre la société brésilienne Embraer et le Maroc pour investir dans le secteur aérospatial civil et de défense, ou encore les quatre protocoles d’accord conclus entre le Maroc et des entreprises aéronautiques pour renforcer le sourcing de Boeing avec des acteurs locaux.
L’industrie aéronautique s’est imposée comme un levier majeur dans le développement économique du Royaume en devenant une force pour la création d’emplois et de valeur ajoutée. Le secteur aéronautique représente aujourd’hui un écosystème de plus de 143 entreprises dans le pays, créant près de 24.000 emplois et réalisant un chiffre d’affaires d’exportation avoisinant les 2,1 milliards de dollars, avec un taux d’intégration locale de 40%.
Grâce à cette dynamique, dont nous sommes extrêmement fiers, le Maroc a su établir une base solide pour les industries aéronautiques, englobant plusieurs métiers modernes à forte valeur ajoutée et diverses spécialités, telles que la fabrication de pièces de moteurs, de matériaux composites, ainsi que l’assemblage de parties importantes de la structure de l’avion.
Le Maroc figure désormais parmi les 20 plus grands pays au monde à accueillir l’industrie aéronautique. Il s’agit d’une véritable success-story aéronautique que nous voulons maintenir et renforcer en relevant les défis technologiques et environnementaux liés au développement du secteur.
Ce secteur s’est développé en 25 ans d’existence au Maroc. Quels sont, selon vous, les principaux facteurs ayant contribué à cette évolution rapide ?
Cette évolution réussie du secteur repose sur une combinaison de facteurs compétitifs. Cette confiance des investisseurs dans la plateforme industrielle nationale s’explique d’abord par la position géographique stratégique de notre pays et sa politique d’ouverture économique construite au fil des ans et avec une multitude d’accords de libre-échange donnant accès à un marché de 2,6 milliards de consommateurs.
C’est aussi le résultat d’une politique proactive de développement d’infrastructures aux standards mondiaux, que ce soient les ports, les routes ou la disponibilité de zones industrielles dédiées, comme Midparc.
Ensuite, la disponibilité des ressources humaines hautement qualifiées soutenue par des institutions de formation telles que l’IMA (l’Institut des Métiers de l’Aéronautique) et l’ISMALA (l’Institut Spécialisé dans les Métiers de l’Aéronautique et de la Logistique Aéroportuaire), pour doter le secteur d’une main-d’œuvre spécialisée et compétente, qui répond aux besoins des industriels locaux et internationaux.
Le Maroc a également su développer une expertise industrielle riche et diversifiée avec des activités allant de la production de composants de moteurs à l’assemblage d’aérostructures, en passant par la fabrication de pièces en composite et le câblage. En outre, la capacité d’innovation et l’adoption de pratiques durables ont renforcé notre compétitivité dans ce secteur.
Toutes ces performances sont confortées par un soutien actif du gouvernement avec notamment la nouvelle charte de l’investissement, apportant différentes incitations fiscales mais aussi par un soutien à l’innovation à travers des programmes dédiés tels le Fonds de Soutien à l’Innovation (FSI) lancé par le ministère de l’Industrie et du Commerce et qui favorise l’émergence de solutions technologiques avancées, telles que les matériaux composites, la maintenance prédictive et les systèmes embarqués.
Quelle stratégie le ministère de l’Industrie et du Commerce met-il en place pour accompagner cette croissance et atteindre un chiffre d’affaires de 40 milliards de dirhams à l’exportation ?
La stratégie adoptée par le ministère pour soutenir la croissance du secteur et développer ses exportations repose avant tout sur la politique d’ouverture économique, qui est un vrai stimulateur au développement du secteur.
La stratégie vise le renforcement et le développement des écosystèmes industriels en stimulant et en attirant de nouveaux investissements pour une intégration locale solide et une substitution progressive des importations, en vue d’atteindre l’objectif de créer une industrie souveraine, forte et compétitive.
Elle s’oriente aussi vers le déploiement de projets de plus en plus complexes en mettant un accent particulier sur le Digital, les technologies avancées de l’Industrie 4.0, l’Innovation et la R&D.
Nous sommes également engagés à développer une industrie décarbonée et durable avec une production verte, des zones industrielles écologiques en adéquation avec les tendances et les évolutions du secteur tout en continuant à inciter les entreprises à adopter des solutions énergétiques durables pour gagner en compétitivité.
Quelle est votre vision pour mettre en place une stratégie nationale coordonnée visant à structurer les offsets et renforcer l’intégration locale ?
D’abord, il faudrait souligner que la compensation industrielle, ou offsets, présente de nombreuses opportunités économiques pour le développement du secteur de l’aéronautique. Elle permet non seulement d’attirer des investissements, mais aussi de favoriser le transfert de technologie, la création d’emplois, l’amélioration des compétences et du savoir-faire national, ainsi que la montée en valeur dans les filières du secteur.
Pour maximiser ces opportunités, le ministère a initié une approche collaborative avec les grands acteurs mondiaux en vue d’ancrer la pratique de la compensation industrielle comme réflexe spontané dans les business-models des projets d’envergure nationale. Il s’agit d’utiliser cette pratique en tant qu’instrument efficace en appui au développement du tissu industriel local afin de développer une intégration industrielle en profondeur, créer de nouvelles spécialisations et se positionner sur des métiers de pointe.
Je citerai à titre d’exemple l’accord de compensation industrielle, signé le 8 février 2023 entre la société Boeing, l’Administration de la Défense Nationale et le ministère de l’Industrie et du Commerce.
Deux axes de collaboration avec Boeing ont été concrétisés, dans le cadre de cet accord, lors du Marrakech Air show. D’abord, la signature d’un accord de partenariat pour la création d’un centre de recherche en fabrication avancée en partenariat avec Boeing, intitulé “Centre Africain de Fabrication d’Excellence (ACME)”, ensuite l’annonce de la sélection de l’entreprise 100% marocaine NTS Technics en tant que partenaire d’ingénierie de Boeing.
Ce partenariat vise à soutenir l’écosystème aéronautique national dans sa montée en gamme axée sur l’innovation et l’excellence et aussi à développer de nouvelles capacités en ingénierie.
Quel rôle envisagez-vous pour les capitaux marocains dans le développement de l’industrie aéronautique, et quelles mesures le ministère prend-il pour encourager leur émergence dans ce secteur ?
“De plus en plus de jeunes Marocains se lancent dans ce secteur à travers des startups et des PME (…) se spécialisant notamment dans des métiers de haute précision comme la fabrication de composants et l’usinage de profilés“
L’émergence des capitaux marocains dans le secteur aéronautique est soutenue par la mise en place de conditions favorables : un environnement économique stable, une main-d’œuvre qualifiée, des zones industrielles dédiées et des programmes de soutien à l’innovation.
De plus en plus de jeunes Marocains se lancent dans ce secteur à travers des startups et des PME, soutenus par des programmes techniques et financiers leur permettant d’adopter des technologies innovantes ou se spécialiser dans des métiers de haute précision comme la fabrication de composants et l’usinage de profilés, contribuant ainsi à l’effort d’intégration et à la diversification de l’offre nationale.
Pour un secteur complexe et hautement technologique, le partenariat avec des sociétés internationales à travers des projets offset apparaît comme une voie pertinente pour accélérer le développement du secteur et celui des entreprises marocaines et leur ouverture sur les marchés mondiaux.