Les gens nous demandent à quoi nous servons mais ils ne savent rien des conditions dans lesquelles nous travaillons”, souffle Mohamed Bougrami, chef des opérations de la police administrative de Casablanca (PAC), entre deux visites de snacks dans le marché de Benjdia, lundi 20 juin.
Cet ancien inspecteur d’hygiène de la commune de Casablanca est l’un des artisans de ce corps de police, dont les activités ont été généralisées à l’ensemble des 16 arrondissements de la métropole durant l’été 2019.
Comme tous les lundis, la semaine des agents commence par une réunion avec Mohamed Bougrami et Adil Nejjar, le directeur de la PAC. “Nous réalisons un bilan des opérations de la semaine passée et fixons les objectifs pour la semaine qui vient”, explique ce dernier. Ce jour-là, les équipes de la PAC se félicitent d’avoir dégagé 75% des obstacles posés sur la voie publique parmi ceux recensés sur tout le territoire de la ville.
“La qualité de notre travail dépend énormément du niveau de collaboration des présidents d’arrondissement ainsi que des représentants de l’autorité publique : il faut nous fournir la logistique nécessaire à nos missions, par exemple, les chargeuses-pelleteuses pour déplacer les objets intrus sur la chaussée”, précise Adil Nejjar.
150 agents sur le terrain
Après la réunion, les agents de la PAC changent de salle pour suivre une formation sur l’utilisation du logiciel d’informatisation des procédures, le SIPAC (Système d’information de la police administrative communale). “C’est un peu notre fierté”, confie Nejjar.
“Ce logiciel permet de tout centraliser sur une seule base de données. Il a été développé en interne par nos équipes. En quelques clics, ils enregistrent les infractions observées dans un établissement, rédigent un procès-verbal et suivent l’état d’avancement des procédures”, ajoute-t-il.
La base de données est ensuite mise à disposition des présidents d’arrondissement et du conseil de la ville afin qu’ils aient une meilleure idée du matériel à acquérir (pelleteuses, etc.). “Avant, les appels d’offres étaient rédigés de manière très approximative. Aujourd’hui, les responsables peuvent se baser sur des données chiffrées”, se félicite Mohamed Bougrami.
La PAC travaille sous la supervision directe de la présidence de la commune de Casablanca, avec l’accompagnement, l’assistance technique, juridique et logistique de la société de développement local (SDL) Casa Prestations. Le 4 juillet prochain, elle bouclera trois ans d’existence (après sa généralisation à toute la ville).
150 agents sont présents quotidiennement sur le terrain. C’est la moitié de ce qui a été préconisé par l’étude qui a débouché sur la création de la première forme de police administrative, au milieu des années 2010”
Adil Nejjar dresse un bilan “honorable” du travail de la police administrative, malgré le peu de moyens dont elle dispose. “150 agents sont présents quotidiennement sur le terrain. C’est la moitié de ce qui a été préconisé par l’étude qui a débouché sur la création de la première forme de police administrative, au milieu des années 2010”, précise le directeur de la PAC. Et selon Mohamed Bougrami, ce sont 500 agents qu’il faudrait pour couvrir correctement le vaste théâtre d’opérations.
Ces agents sont des employés de la commune qui ont été sélectionnés à travers un concours, avant de suivre une formation de deux mois portant sur l’arsenal législatif dont ils disposent, parallèlement à un stage sur le terrain. Pour les encourager, Casa Prestations a prévu des bonus en fonction du nombre de procès-verbaux rédigés, ainsi qu’une indemnité quotidienne, additionnés au salaire versé par la commune.
“Le meilleur moyen de dissuader un agent communal de toucher des pots-de-vin, c’est de mieux valoriser leur travail”, assure Mohamed Bougrami, qui précise que 50 personnes ont été écartées depuis 2019 pour des affaires de corruption.
75% des restaurants ne respectent pas les normes d’hygiène
“Ce n’est pas facile quand vous êtes en sous-effectif. Vous pouvez tancer un commerçant parce qu’il a entreposé sa marchandise au milieu de la chaussée, l’observer corriger son erreur, revenir le lendemain et voir que rien n’a changé”
Retour au marché de Benjdia. Dans la cohue, les cinq agents de la PAC doivent veiller à ce que les commerçants n’occupent pas illégalement le domaine public, qu’il s’agisse du trottoir ou de la chaussée, effectuer des visites dans les établissements pour vérifier leur salubrité et la qualité des produits en vente, tout en gardant un œil sur la légalité des chantiers de construction. “Ce n’est pas facile quand vous êtes en sous-effectif. Vous pouvez tancer un commerçant parce qu’il a entreposé sa marchandise au milieu de la chaussée, l’observer corriger son erreur, revenir le lendemain et voir que rien n’a changé”, se désole un des agents de la brigade.
Mais l’une des missions principales de la PAC est le contrôle de l’hygiène dans les établissements de restauration. “La première étape consiste à exiger la licence du fonds de commerce. Généralement, les gérants d’établissements n’ont pas le papier sous la main, tout simplement parce qu’ils savent qu’ils sont en situation d’illégalité totale”, raconte l’agent.
Comme ce vendeur de sandwich, dont le fonds de commerce est en principe destiné à la vente de fruits secs. “Il n’est pas censé faire de la restauration et encore moins servir les clients à table, car il ne paie pas de taxe d’occupation du domaine public”, renchérit l’agent.
Après quelques visites, une tendance apparaît clairement : les normes en vigueur ne sont que très rarement respectées, notamment les règles d’hygiène. L’origine des produits utilisés n’est pas tracée et la chaîne de froid régulièrement bafouée. “La pandémie de Covid-19 nous a permis d’effectuer un recensement exhaustif des établissements professionnels de restauration dans tout Casablanca, puis de les classer en fonction de leur respect des normes d’hygiène. 75% d’entre eux ont été placés dans la colonne ‘non-satisfaisant’”, confirme Mohamed Bougrami.
La tâche est donc énorme. Les responsables rencontrés par TelQuel ne disent pas autre chose. Ils souhaitent que les arrondissements et la commune jouent le jeu afin de permettre à la PAC de faire son travail comme il se doit.
En attendant, la machine est aujourd’hui bien rodée, même si “nous sommes conscients que la réussite de la police administrative ne dépend pas du nombre d’infractions recensées et enregistrées, mais surtout de leur issue”, avoue Adil Nejjar.
Lundi 20 juin, un chiffre retient quand même notre attention. Sur les cinq premiers mois de l’année 2022, les opérations de contrôle de l’occupation du domaine public menées par la PAC ont généré 16 millions de dirhams de recettes pour la commune de Casablanca, soit une hausse de 125% par rapport à la même période en 2021.