Le marché de l’emploi au Maroc, à l’instar de celui des grandes économies mondiales, connaît des transformations rapides, alimentées par l’innovation technologique, les réformes industrielles et les nouvelles stratégies étatiques.
Tandis que certains métiers traditionnels déclinent, de nouvelles compétences, plus techniques et alignées sur les exigences de la mondialisation, prennent de l’importance. Cette dynamique impacte les entreprises et les établissements de formation, et invite les acteurs publics et privés à repenser l’écosystème de l’employabilité au Maroc.
Les métiers les plus demandés
D’après les données communiquées en exclusivité à TelQuel par Rekrute.com, qui a analysé les secteurs les plus actifs en termes de création d’emplois en 2024, plusieurs domaines se distinguent par une forte demande de cadres Bac+5 et plus. Parmi eux, la banque, la finance, la santé, le tourisme, l’aéronautique et l’automobile se révèlent particulièrement dynamiques.
“Ce classement est un indicateur des choix économiques du pays, où l’accent est mis sur le développement d’industries de pointe et l’attraction d’investissements étrangers”, explique Alexandra Montant, directrice générale adjointe de Rekrute.com.
Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation, conscient des exigences de ces secteurs, a mis en place des programmes visant à renforcer l’offre de formation dans des domaines spécifiques.
Selon les données communiquées à TelQuel, les grandes écoles du secteur public forment chaque année plus de 11.000 ingénieurs, tandis que les universités délivrent environ 19.000 diplômes de Master, équivalents aux formations d’ingénieur, dans des filières porteuses comme la science des données, la cybersécurité et les énergies renouvelables.
“Ces formations visent à fournir aux entreprises locales et internationales des talents dotés de compétences techniques avancées et prêtes à l’emploi”, souligne le ministère, insistant sur l’importance de répondre aux exigences croissantes des employeurs qui évoluent dans le cadre des nouvelles stratégies gouvernementales.
Des stratégies qui façonnent les métiers de demain
Les orientations royales, ainsi que les stratégies économiques mises en place par le gouvernement pour structurer et moderniser l’économie, influencent directement les métiers en demande.
Alexandra Montant note que “le secteur aéronautique, par exemple, figure parmi les cinq premiers secteurs en termes de création d’emplois, ce qui est clairement le fruit de l’orientation stratégique du gouvernement”.
Le secteur de l’automobile, deuxième pilier industriel du pays, connaît également une croissance rapide. Grâce à des investissements continus et des partenariats internationaux, cette industrie continue de créer des opportunités d’emplois pour les Marocains.
Parallèlement, les nouvelles industries, telles que l’énergie renouvelable avec des projets phares comme les centrales solaires et l’hydrogène vert, nécessitent des compétences pointues et génèrent une demande accrue de profils qualifiés.
Le secteur de la santé et des sciences médicales, également priorisé par l’État, est en plein essor. Avec l’ouverture de nouveaux établissements hospitaliers, publics et privés, la demande en personnel de santé spécialisé augmente. “Nous travaillons avec des groupes comme Akdital, qui recrutent massivement. Des projets d’envergure, tels que le nouvel hôpital de l’Université Internationale de Rabat (UIR) ou celui de l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P), stimulent également la demande en personnel”, explique Alexandra Montant.
Un marché en quête de talents
“La carence en profils qualifiés dans les nouvelles spécialités, comme les énergies renouvelables, est une réalité”
Malgré une augmentation du nombre de diplômés, les recruteurs marocains continuent de rencontrer des obstacles pour trouver des profils adaptés, notamment pour les métiers techniques et émergents.
La directrice générale adjointe de Rekrute.com précise : “La carence en profils qualifiés dans les nouvelles spécialités, comme les énergies renouvelables, est une réalité. L’État marocain ne cesse de promouvoir ce secteur et d’attirer des investissements étrangers, toutefois les industriels peinent à trouver des cadres qualifiés pour faire rouler la machine”.
“Bien que l’anglais gagne en popularité, le français reste la langue de travail dans de nombreux secteurs, et les recruteurs déplorent le manque de maîtrise du français chez les candidats”
Elle souligne également que les besoins en middle management sont particulièrement difficiles à combler, un défi exacerbé par un problème linguistique : “Bien que l’anglais gagne en popularité, le français reste la langue de travail dans de nombreux secteurs, et les recruteurs déplorent le manque de maîtrise du français chez les candidats”.
Au-delà des secteurs émergents, la difficulté de trouver les profils adéquats touche l’ensemble des secteurs. “Cette problématique concerne aussi bien les PME que les grandes entreprises. Même les banques recherchent aujourd’hui des profils différents des chargés de clientèle traditionnels”, ajoute Alexandra Montant.
Accompagner les mutations par la formation pratique et les soft skills
Les recruteurs constatent aussi que les attentes des entreprises évoluent, avec une demande accrue pour les soft skills telles que la communication, la gestion de projets et la capacité à travailler en équipe. Ces compétences interpersonnelles sont devenues essentielles dans un monde professionnel où les équipes sont souvent multiculturelles et où les projets nécessitent une collaboration étroite.
“Ce manque de compétences transversales est particulièrement visible chez les ingénieurs. Les universités et écoles d’ingénieurs forment des théoriciens, alors que le marché a besoin de praticiens immédiatement opérationnels”, déplore Alexandra Montant.
Le décalage entre la formation académique et les besoins du marché constitue un frein à l’employabilité. Le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche scientifique et de l’Innovation reconnaît ce besoin d’adaptation et explore des moyens d’intégrer davantage d’activités pratiques et de formation aux soft skills dans les programmes de Master et d’ingénierie.
Les centres d’excellence, récemment instaurés dans certaines universités, sont une réponse à cette nécessité. Ces centres, conçus sur le modèle des grandes écoles internationales, offrent aux étudiants des formations intégrées avec des partenariats de haut niveau, leur permettant d’acquérir des compétences pratiques directement applicables dans les entreprises.
Les écoles privées de formation s’attèlent également à renforcer l’enseignement pratique en diversifiant leurs approches, notamment par la formation en alternance, qui combine théorie et stages en entreprise. Elles mettent aussi de plus en plus l’accent sur la formation aux soft skills et sur les échanges académiques, soutenus par des réseaux internationaux d’écoles partenaires dans le monde entier.