Accusations de viol contre Tariq Ramadan : la cour d’appel de Paris se prononce jeudi

La Cour d’appel de Paris devrait se prononcer jeudi sur l’appel de Tariq Ramadan contre son renvoi devant la cour criminelle départementale pour le viol de quatre femmes, le parquet général ayant requis fin mars l’abandon des poursuites pour trois d’entre elles et écarté la notion d’emprise.

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L'islamologue suisse Tariq Ramadan arrive le deuxième jour de son procès pour viol au palais de justice de Genève, le 16 mai 2023. Crédit: Fabrice Coffrini / AFP

La chambre de l’instruction de la Cour d’appel a examiné le 29 mars le recours déposé par la défense de l’islamologue suisse, 61 ans, qui conteste son renvoi pour le viol de quatre femmes entre 2009 et 2016, ordonné en juillet 2023 par deux juges d’instruction du tribunal de Paris.

Dans ses réquisitions écrites, dont l’AFP avait eu connaissance, l’avocat général Matthieu Bourrette avait demandé que ne soit retenu contre l’islamologue qu’un seul viol aggravé, avec violences et sur personne vulnérable, commis à Lyon en octobre 2009 sur une femme surnommée “Christelle”. Le représentant du ministère public avait en effet considéré que les éléments étaient suffisants pour caractériser un tel crime.

Il avait en revanche écarté l’“emprise” qu’aurait exercée Ramadan sur “Christelle” et ses autres accusatrices : Henda Ayari, une ex-salafiste devenue militante laïque qui avait déclenché l’affaire en portant plainte en octobre 2017 pour un viol qui aurait eu lieu en 2012 à Paris ; Mounia Rabbouj, une ex-escort girl qui l’avait accusé de neuf viols entre 2013 et 2014 ; une troisième femme pour des faits remontant à 2016.

L’avocat général avait demandé l’abandon des poursuites pour viol avec contrainte pour ces trois femmes, à rebours du parquet de Paris et des juges d’instruction qui avaient retenu la notion d’emprise.

L’emprise : un vide juridique ?

Bourrette avait contesté “la mise en place d’un processus d’emprise” par Tariq Ramadan sur ces femmes. La notion d’emprise, avait-il souligné, n’est “pas encore à ce jour un standard juridique de notre droit pénal”. Sa lecture du dossier avait suscité l’incompréhension des avocats des plaignantes.

Si un non-lieu est prononcé” s’agissant de Henda Ayari, “il faut prononcer un non-lieu pour la moitié des dossiers à l’instruction”, a mis en garde l’un de ses avocats, Me David-Olivier Kaminski.

S’agissant de la notion d’emprise, c’est “la conséquence de la contrainte créée par le mis en examen sur ses victimes grâce à un mode opératoire bien rodé et qui constitue bien un des éléments matériels du viol”, avait considéré fin mars Laura Ben Kemoun, qui défend “Christelle” et Mounia Rabbouj avec Laure Heinich.

En ne retenant que le viol ‘violent’ d’une des parties civiles, il replace le viol dans sa vision réductrice, archaïque, balayant le fait qu’un viol puisse être plus complexe que simplement violent”, avait développé Ben Kemoun.

Côté défense, Pascal Garbarini a rappelé que son client Tariq Ramadan avait “toujours nié les viols qui lui sont reprochés”.

J’ai plaidé, avec mes confrères, que les éléments matériels pour (‘Christelle’) n’existaient pas (…) Il est urgent que la notion d’emprise soit définie de sorte qu’elle ne soit pas brandie à tort et à travers pour compenser certaines accusations, faute d’éléments matériels probants”, a insisté l’avocat.

Dans cette procédure très médiatisée et emblématique de l’ère “MeToo”, les plaignantes ont décrit des relations sexuelles particulièrement brutales, selon l’ordonnance de renvoi en procès. “La main qui tient et force la tête, le bras qui empêche de bouger ou de se retourner, le poids du corps, le regard de fou, les paroles de domination et de soumission, les ordres, les gestes, cette attitude pour imposer les pénétrations”, décrit le document.

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Ramadan avait d’abord contesté tout acte sexuel avec ses accusatrices, avant de reconnaître des relations sexuelles extraconjugales “de domination”, rudes, mais “consenties”.

En Suisse, le prédicateur a obtenu un acquittement en mai 2023 dans un dossier de viol et contrainte sexuelle remontant à 2008.

Le procès en appel s’est tenu fin mai à Genève. Le procureur a requis trois ans de prison, dont la moitié ferme, et évoqué la notion d’“emprise” exercée par Tariq Ramadan, comparée à un “syndrome de Stockholm” chez la plaignante.

La décision a été mise en délibéré “sous plusieurs semaines”.