Les 20% les plus riches de la population marocaine ont réalisé près de la moitié des dépenses des ménages

Les inégalités sociales et économiques restent une réalité préoccupante au Maroc, exacerbées par des crises récentes telles que la pandémie de Covid-19 et la sécheresse prolongée. Une analyse approfondie des résultats de l’Enquête nationale sur le niveau de vie des ménages (ENNVM) de 2022, publiée par le Haut-commissariat au plan (HCP) et menée sur un an du 15 mars 2022 au 14 mars 2023, révèle des disparités significatives dans la distribution des dépenses de consommation, ainsi que des dynamiques complexes de pauvreté et de vulnérabilité.

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L’analyse des dépenses de consommation des ménages marocains révèle une forte concentration des dépenses parmi les segments les plus aisés de la population. En 2022, les 20% les plus riches de la population ont réalisé 47,8% des dépenses totales des ménages, alors que les 20% les plus pauvres n’en ont réalisé que 6,9%. Cet écart, mesuré par le rapport inter-quintile, montre une augmentation des inégalités depuis 2019 où l’écart était de 6,3 fois.

En milieu urbain, les inégalités sont encore plus marquées, avec une concentration des dépenses totales par les plus riches atteignant 40%, contre seulement 8,6% pour les plus pauvres. Le rapport inter-décile, qui mesure l’écart entre les 10% les plus aisés et les 10% les moins aisés, est passé de 10,3 fois en 2019 à 12 fois en 2022 en milieu urbain.

Les inégalités économiques ne se limitent pas aux différences entre individus, mais s’étendent également aux régions du Maroc. Les cinq régions les plus riches, à savoir Casablanca-Settat, Rabat-Salé-Kénitra, Marrakech-Safi, Tanger-Tétouan-Al Hoceima, et Fès-Meknès, concentrent près de trois quarts des dépenses totales des ménages. Cette concentration des richesses dans certaines régions crée des disparités importantes entre les zones urbaines et rurales.

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Dans les régions urbaines, le niveau de vie moyen par personne est nettement supérieur à celui des zones rurales. Par exemple, dans la région de Casablanca-Settat, le niveau de vie moyen est de 25.742 dirhams par personne, comparé à des régions plus rurales comme Béni Mellal-Khénifra où il est significativement plus bas.

La pandémie de Covid-19 et la hausse de l’inflation ont eu un impact disproportionné sur les ménages les plus vulnérables. Entre 2019 et 2022, la pauvreté absolue a augmenté, atteignant 3,9% en 2022, contre 1,7% en 2019. Cette augmentation est principalement due à une régression du niveau de vie des ménages les plus pauvres, particulièrement en milieu rural où l’incidence de la pauvreté est passée de 3,9% à 6,9%.

Les effets combinés de la pandémie et de l’inflation ont amplifié les disparités sociales, avec une accentuation des inégalités de dépenses alimentaires. L’indice de concentration des dépenses alimentaires est passé de 24,2% en 2019 à 31,7% en 2022, illustrant une détérioration plus marquée de la situation des ménages les plus modestes.

La pauvreté multidimensionnelle, qui prend en compte non seulement les revenus, mais aussi l’accès aux services de base comme l’éducation et la santé, reste un défi majeur au Maroc. Bien que la pauvreté extrême, mesurée selon le seuil international de 1,9 dollar par jour, soit quasiment éradiquée, la pauvreté absolue et la vulnérabilité économique demeurent préoccupantes. En 2022, 16,8% de la population marocaine était considérée comme pauvre ou vulnérable, contre 9% en 2019.