Le CESE recommande le développement du financement mixte et des obligations vertes dans le secteur agricole

Le président du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Ahmed Réda Chami, a appelé, lundi à Meknès, au développement du financement mixte et des obligations vertes, en vue d’accélérer l’adaptation climatique de l’agriculture africaine.

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Le président du Conseil économique, social et environnemental, Ahmed Réda Chami, le 6 juillet 2022 à Rabat. Crédit: Rachid Tniouni / TelQuel

Intervenant lors de la 4e Conférence ministérielle annuelle de l’initiative AAA (Adaptation de l’agriculture africaine), tenue sous le thème “Financements innovants pour accélérer l’adaptation climatique de l’agriculture africaine” en marge du Salon international de l’agriculture au Maroc (SIAM), Ahmed Réda Chami a souligné qu’il s’agissait également de déployer “des produits financiers spécifiques pour le secteur agricole (assurances indicielles), ainsi que le marché carbone dont la pertinence et l’efficacité sont tributaires d’un échange de droits d’émission de carbone réalisé à un prix équitable”.

Et de soutenir que pour optimiser les retombées de ces mécanismes, il est important de favoriser l’engagement des citoyens et le secteur privé local dans la définition des plans d’adaptation et la mise en œuvre des stratégies de financement, de renforcer les capacités pour disposer des données et de l’expertise nécessaires au montage de projets bancables et de promouvoir l’approche nexus “eau — énergie-sécurité alimentaire” au niveau de chaque pays, pour favoriser une meilleure adaptation de l’agriculture aux effets du changement climatique, en plus d’encourager l’innovation et la recherche et développement pour concevoir les solutions les plus adaptées aux problématiques spécifiques du Continent.

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Dans la même lignée, Chami a rappelé que le CESE, dans ses diverses contributions, avait proposé des pistes en faveur du renforcement de l’accès au financement pour accélérer l’adaptation climatique de l’agriculture africaine, notamment la mise en œuvre d’une réforme de l’architecture financière internationale eu égard à la complexité d’accéder aux fonds multilatéraux et au faible niveau de fléchage des flux financiers vers l’adaptation en Afrique, ainsi que l’adoption d’un mécanisme régional d’appréciation du risque souverain afin de réduire le coût de l’emprunt et favoriser des financements économiquement soutenables, étant donné que les asymétries d’information en matière de notation ont coûté au Continent pas moins de 74,5 milliards $US (PNUD, 2023).

Il a, de même, cité la révision du système actuel de taux d’intérêt pour les droits de tirage spéciaux (DTS) pour l’adapter aux réalités continentales et l’élargissement de l’assiette fiscale pour une mobilisation plus conséquente des ressources intérieures, en taxant davantage les activités polluantes.

Il est manifeste que le financement de l’adaptation en Afrique est insuffisant pour répondre valablement aux besoins croissants des pays”, a fait observer le président du CESE, arguant que “selon les projections, d’ici 2050, le coût estimatif de l’adaptation pourrait passer, d’environ 20 à 50 milliards $US/an pour un réchauffement de +1,5 °C, à plus de 100 milliards $US/an pour un réchauffement de +4 °C”.

Il a, à cet égard, insisté sur quatre défis majeurs en matière d’accès de financement, dont les financements en faveur de l’adaptation qui restent largement inférieurs à ceux destinés à l’atténuation et l’accès aux fonds climatiques sous forme de prêts non concessionnels aggravant la pression de la dette en Afrique.

À cela s’ajoutent les conditions d’accès aux fonds climatiques dans le cadre multilatéral (fonds vert pour le climat, fonds perte et préjudice) qui sont globalement contraignantes, a fait remarquer Chami, expliquant que la cause en est la difficulté de répondre aux exigences techniques due en partie à la complexité des conditionnalités de ces mécanismes, à l’insuffisance des données et au besoin d’expertise pour l’élaboration de projets bancables.

Il a, par ailleurs, pointé du doigt la “mal-adaptation”, due au manque de priorisation, de planification, au déficit de données et bien évidemment à la non-prise en compte des besoins des citoyens et de leurs connaissances, creuse la vulnérabilité et in fine, augmente le besoin en financement.

Également président de l’Union des conseils économiques et sociaux et institutions similaires d’Afrique (UCESA), organisation régionale regroupant plus de 20 pays, dont le thème principal de la feuille de route n’est autre que l’action climatique, Chami a indiqué que l’UCESA avait conduit une étude de perception qui a couvert 16 pays africains et sondé 8200 citoyens.

Sur la base des enseignements de l’étude, un plaidoyer “pour une action climatique africaine face au changement climatique” a été porté pour faire valoir la voix et les priorités des citoyens auprès des gouvernements et des instances internationales, a-t-il précisé.

Ce travail se poursuit actuellement avec des plaidoyers-pays spécifiques, destinés à prendre en compte valablement les besoins réels des citoyens dans les révisions des contributions déterminées au niveau national (CDN) des États, a fait savoir Chami. Et de poursuivre que l’UCESA a lancé, parallèlement, des études approfondies “deep dive” sur la mobilité climatique pour sensibiliser sur la prise en compte de la mobilité dans les plans de développement.

Au niveau national, Ahmed Reda Chami a souligné que le CESE a produit des avis et autres contributions intellectuelles en lien avec les politiques climatiques et les mécanismes de mobilisation du financement pour renforcer l’intégration régionale du Maroc en Afrique.

L’Afrique est le continent le moins polluant (moins de 4% des émissions GES) mais qui risque de subir le plus les effets du changement climatique, ce qui constitue une double peine, a-t-il regretté. Par ailleurs, Chami a indiqué que l’étude de perception de l’UCESA a révélé que le citoyen africain est “très impacté” par le changement climatique, conscient des causes et des effets de ce changement, inquiet pour son avenir et volontaire et déjà dans l’action pour réduire la vulnérabilité climatique du secteur agricole. Et d’ajouter : “Le citoyen africain est ainsi totalement disposé à s’investir davantage dans une dynamique nationale impulsée par les gouvernements. Il demeure que les États continuent de faire face à des défis majeurs en matière d’accès au financement pour accélérer l’adaptation climatique de leur(s) agriculture(s).”

En outre, Chami a affirmé que l’UCESA, en tant que société civile organisée, agissante à l’échelle du continent, était disposée à développer des collaborations étroites avec l’initiative “AAA”, en particulier en matière d’identification de solutions éprouvées et appropriées localement qui constitueraient autant de réponses importantes non seulement au changement climatique mais aussi à l’insécurité alimentaire de plus en plus patente.

(avec MAP)