“Rabat a pris une longueur d’avance sur Alger” en signant les accords d’Abraham, selon Xavier Driencourt

Le diplomate, haut-fonctionnaire et ex-ambassadeur de la France en Algérie, Xavier Driencourt, est revenu sur les relations diplomatiques françaises au Maghreb et au Sahel.

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Xavier Driencourt a été a été ambassadeur de France en Algérie à deux reprises, de 2008 à 2012 et de 2017 à 2020.

Dans cette interview accordée au média français Causeur le 31 juillet et relayée par H24, le constat du diplomate est clair : la France est en difficulté et les efforts de Macron n’ont “pas porté de fruits”.

Le diplomate, qui a été ambassadeur de la France en Algérie à deux reprises, de 2008 à 2012 puis de 2017 à 2020, soit durant la présidence de Abdelaziz Bouteflika, a ainsi rappelé les vaines manœuvres du président français allant dans le sens de l’Algérie, avant d’affirmer qu’elles ont toutes été ignorées par nos voisins de l’est, et de conclure qu’“Alger en réalité ne joue pas le jeu, ne renvoie pas l’ascenseur en quelque sorte. Mieux, Alger est dans une sorte de provocation permanente”.

L’ex-ambassadeur français s’est alors interrogé : “Le jeu en vaut-il la chandelle ? La France s’épuise à faire des gestes unilatéraux destinés à Alger et franchement, tout cela ne sert aujourd’hui à rien”, expliquant qu’Alger ne jure que par la réciprocité et les rapports de force.

Pour Driencourt, cette volonté d’Alger de jouer un rôle majeur n’est pas près de se réaliser, étant donné la “longueur d’avance” qu’aurait prise Rabat en signant les Accords d’Abraham.

“Seuls et nus dans ce jeu triangulaire”

Revenant sur les relations franco-marocaines “très dégradées”, le haut fonctionnaire français admet que le pari algérien, “fait aux forceps”, a fait perdre Paris sur les deux tableaux, qu’il explique par l’absence de “retour positif côté algérien”, et l’installation d’une “froideur distante du côté de Rabat qui cherche à reprendre la main face à Paris”.

Ainsi, les Français se retrouvent “seuls et nus dans ce jeu triangulaire”, avance Driencourt, pour qui le sort des relations franco-marocaines n’est pas tout à fait clair, tenant compte des différents contentieux que connaissent les deux pays. Pour lui, “Rabat cherche sans doute à profiter des déboires de notre relation avec l’Algérie et à profiter de ces circonstances pour amener Paris à reconnaître la marocanité du Sahara”.

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L’ex-ambassadeur ne manque toutefois pas de mettre en garde contre l’éventuel dérapage que pourrait connaître la région en raison de la formation de deux blocs, avec le Maroc, Israël et les États-Unis d’un côté, et l’Algérie, soutenue par la Russie, de l’autre.

En parallèle, le discours anti-occidental russe, qui “intervient en sous-marin” dans ce qu’était le “pré carré” de la France, se présente aujourd’hui comme une menace. Dans ce sens, l’ancien ambassadeur affirme que la France fait aujourd’hui les frais de la colonisation. “Nous nous croyions ‘chez nous’ et certains viennent justement dire ‘vous voyez où l’Occident (et la France) vous a emmené, qu’y avez-vous gagné ? Est-ce cela que vous voulez pour votre pays ?’”

Enfin, interrogé sur le bon modus operandi que devrait adopter la France pour repenser sa diplomatie africaine et maghrébine, Xavier Driencourt indique que “cela passera très certainement par un changement” d’approche et de méthodes de la France, pour qui “tout ou presque est à reconstruire”.