La Russie affiche un retour à la normale après la rébellion de Wagner

La Russie s'efforce d'afficher un retour à la normale avec la levée des mesures de sécurité instaurées pendant le soulèvement du groupe Wagner, une crise sans précédent qui révèle pour les Occidentaux la fragilité du régime de Vladimir Poutine.

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Le président russe Vladimir Poutine préside une réunion du Conseil de sécurité via une liaison vidéo au Kremlin à Moscou, le 17 mars 2023. Crédit: Mikhail Metzel / Sputnik / AFP

Le ministre russe de la Défense Sergueï Choïgou, qui s’était volatilisé pendant la rébellion du patron de Wagner, Evguéni Prigojine, dont il est la bête noire, est réapparu ce lundi 26 juin à la télévision dans une vidéo le montrant en train d’inspecter des militaires en Ukraine.

Et les autorités ont annoncé la fin du « régime d’opération antiterroriste », qui confère des pouvoirs élargis aux forces de sécurité, dans la région de Moscou et celle de Voronej, au sud de la capitale, où des unités de Wagner étaient entrées et où des échanges de tirs ont eu lieu.

Le président Vladimir Poutine n’est lui pas réapparu en public depuis une allocution télévisée samedi où il a accusé Prigojine d’avoir donné un « coup de poignard dans le dos » de la Russie en lançant sa révolte.

Prigojine, un homme d’affaires qui fut autrefois un allié de Poutine chargé de nombre des basses-oeuvres de la Russie, a mis fin à sa rébellion samedi soir, en échange d’une immunité pour lui et ses hommes après une médiation du président bélarusse. Aujourd’hui, les agences de presse russes ont toutes annoncé que l’enquête criminelle visant le chef du groupe paramilitaire pour « appel à la mutinerie armée » était toujours en cours.

Le mystère était total quant à l’endroit où se trouve Evguéni Prigojine, qui n’a plus communiqué depuis samedi soir et alors que, selon le Kremlin, il doit s’exiler au Bélarus, ce que l’intéressé n’a pas confirmé.

Autre énigme, le sort des 25.000 hommes dont Wagner disait disposer. Sont-ils dans leurs camps en Ukraine, ou dans des bases en Russie ? Et passés sous les ordres du ministère russe de la Défense, ou toujours autonomes ?

Une Russie ébranlée

Malgré l’apparente normalité affichée lundi par les autorités, la spectaculaire équipée rebelle de Wagner entre vendredi soir et samedi soir a ébranlé le pays. Pendant 24 heures, les forces de Prigojine se sont emparées de plusieurs sites militaires dans la ville stratégique de Rostov (sud-ouest) et ont parcouru 600 km en direction de Moscou, en rencontrant visiblement peu de résistance. A Rostov, ses hommes ont même été acclamés alors qu’ils quittaient le QG militaire pour la guerre en Ukraine qu’ils avaient réussi à prendre.

Si le coup de force a pris fin aussi soudainement qu’il a débuté, cette crise représente le plus grand défi auquel Vladimir Poutine a été confronté depuis son arrivée au pouvoir en 1999.

Scrutée dans toutes les chancelleries, cette crise « révèle des fissures réelles » au plus haut niveau de l’Etat russe, a estimé dimanche le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken. « Le fait que vous ayez quelqu’un de l’intérieur remettant en cause l’autorité de Poutine et questionnant directement les raisons pour lesquelles il a lancé cette agression de l’Ukraine, c’est en soi quelque chose de très puissant », a-t-il dit.

Même avortée, la mutinerie de Wagner montre que la guerre en Ukraine est en train de « fissurer » le pouvoir russe, et l’instabilité politique dans une puissance nucléaire comme la Russie n’est « pas une bonne chose », a averti lundi le chef de la diplomatie de l’UE Josep Borrell. « Ce qui se passe en Russie démontre qu’il est plus important que jamais de soutenir l’Ukraine », a-t-il ajouté.

Borrell s’exprimait avant une réunion lundi des ministres européens des Affaires étrangères au Luxembourg, où ils doivent confirmer leur accord pour une nouvelle dotation de 3,5 milliards d’euros destinée à financer leurs fournitures d’armes à l’Ukraine et les missions militaires à l’étranger.

L' »erreur stratégique »

La mutinerie de Wagner montre bien que l’invasion de l’Ukraine décidée par le président russe Vladimir Poutine était une « erreur stratégique », a renchéri lundi le chef de l’Otan, Jens Stoltenberg.

« Poutine et l’Etat ont reçu un gros coup qui aura des conséquences importantes pour le régime », souligne de son côté l’analyste indépendante russe Tatiana Stanovaïa.

En lançant sa mutinerie, le chef de Wagner avait promis de « libérer le peuple russe », ciblant notamment ses deux ennemis jurés, le ministre de la Défense Sergueï Choïgou et le chef d’état-major Valéri Guérassimov, qu’il accuse d’avoir sacrifié des dizaines de milliers d’hommes en Ukraine.

Si Guérassimov n’est pas apparu en public depuis la crise, les images de Choïgou en visite auprès des troupes en Ukraine diffusées lundi par la télévision russe semblaient destinées à donner l’impression qu’il est aux commandes. On y voit Choïgou écouter, l’air serein, un rapport présenté par un général, étudier des cartes géographiques ou encore faire un tour en hélicoptère pour inspecter les positions russes.

Il était cependant impossible de vérifier de manière indépendante la date de tournage de ces images.

En Ukraine, de nombreux analystes estiment que la crise en Russie pourrait affaiblir les forces russes sur le terrain et profiter à celles de Kiev, qui mènent depuis plusieurs semaines une difficile contre-offensive.

Lundi, la vice-ministre ukrainienne de la Défense Ganna Maliar a annoncé que l’armée ukrainienne avait modestement avancé en grignotant 17 km de terrain supplémentaire face aux forces de Moscou, soit 130 km2 depuis début juin.

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