Ce 8 juin, le projet de loi relatif aux peines alternatives revient sur la table du Conseil de gouvernement qu’il avait quitté un mois plus tôt, le 4 mai dernier, sans être adopté. Une décision qui en avait surpris plus d’un, d’autant plus qu’aucune justification officielle n’a été fournie, ouvrant la porte aux spéculations : certains y voyaient un véto imposé par le ministre de l’Intérieur, Abdelouafi Laftit, quand d’autres imputaient cette suspension aux différends entre le Chef du gouvernement et son ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi.
Pour rappel, le porte-parole du gouvernement, Mustapha Baïtas, s’était contenté de dire que Aziz Akhannouch “présiderait une commission incluant toutes les parties concernées” pour “approfondir les discussions autour du sujet” en vue de le présenter “lors d’une prochaine réunion du Conseil de gouvernement”. Le texte revient donc au Conseil du gouvernement, sous le regard attentif des associatifs qui n’ont eu de cesse de réclamer l’instauration de peines alternatives qui devraient, plaident-ils, limiter les condamnations à de courtes peines de prison. Jugées inefficaces, celles-ci compromettent, selon les spécialistes, les chances de réinsertion des détenus, tout en contribuant à l’engorgement des prisons.
Jours-amende à la traîne
Reste à savoir quels changements ont été introduits dans la deuxième version du projet de loi, qui sera aujourd’hui discuté en Conseil de gouvernement. Consultés par TelQuel, les deux textes prévoient les mêmes peines alternatives. À une différence près : les jours-amende, alternative proposée dans la version initiale, brille par son absence dans le texte consulté ce 8 juin par le gouvernement d’Aziz Akhannouch.
Comme révélé par TelQuel, cette alternative désormais sacrifiée consistait dans le premier texte à verser une somme dont le montant global résulte de la fixation par le juge d’une contribution quotidienne pendant un certain nombre de jours. Comme le précise le projet de loi initial, le montant de chaque jour-amende est déterminé en tenant compte des ressources et des charges du prévenu, mais aussi de la gravité du délit commis et de l’ampleur du préjudice. Le montant est compris entre 100 dirhams et 2000 dirhams par jour et doit être versé dans un délai de six mois après le verdict.
Cette alternative, en vigueur dans plusieurs pays comme la France ou la Suisse, n’a pas été jugée utile par la commission ad hoc composée au lendemain de la suspension du texte pour approfondir les discussions. En toile de fond, la question de l’égalité devant la justice a été décisive. “Les riches pouvaient s’en sortir plus facilement, en payant le montant requis, alors que les pauvres, à défaut de paiement, devraient purger leurs peines de prison ferme”, résume une source proche du dossier.
Travaux d’intérêt général et bracelet électronique
Hormis l’amende-jour, toutes les autres peines alternatives proposées dans le premier texte ont été reconduites dans la seconde version examinée ce 8 juin en Conseil de gouvernement. À leur tête, le travail d’intérêt général (TIG).
Il s’agit d’une sanction pénale infligée à une personne qui a commis un délit puni d’une peine d’emprisonnement de moins de trois ans. L’individu condamné, âgé d’au moins 15 ans au moment du verdict, doit ainsi travailler gratuitement, pendant une durée fixée par le juge, pour des services de l’État, des instances de défense des libertés, des droits et de la bonne gouvernance, des institutions publiques, des institutions caritatives, des lieux de culte ou encore des associations et des organisations non gouvernementales œuvrant pour l’intérêt général.
Entre 40 et 600 heures de TIG sont prévues dans le projet de loi, à raison de deux heures de travail pour chaque jour de la peine de prison prévue, à effectuer durant l’année suivant le verdict. Évoqué à plusieurs reprises par le ministre de la Justice, le placement sous surveillance électronique figure bel et bien dans le projet de loi présenté en Conseil de gouvernement.
Considéré comme l’une des plus importantes peines alternatives, le placement sous surveillance électronique “permet d’éviter les conséquences négatives des peines privatives de liberté de courte durée”. Ce système de placement sous surveillance électronique consiste à libérer le condamné tout en le soumettant à un certain nombre d’obligations et à la surveillance de leur mise en œuvre par voie électronique à distance. Pour ce faire, un bracelet électronique est fixé au poignet ou à la cheville de la personne condamnée. Le projet de loi suspendu renvoie vers un décret d’application à venir.
Assignation à résidence
La dernière peine alternative prévue par la réforme portée par Abdellatif Ouahbi consiste à “restreindre certains droits et imposer des mesures de contrôle, de traitement ou de réadaptation”.
Par exemple, l’individu condamné peut être contraint à suivre une cure de désintoxication, à être suivi par un médecin psychiatre, à exercer une activité professionnelle ou à poursuivre des études ou une formation professionnelle. L’assignation à résidence est également prévue : le concerné pourra ainsi être contraint à résider dans un lieu fixe qu’il ne pourra pas quitter.
Dans d’autres cas, le condamné pourra être appelé à se présenter périodiquement auprès d’un commissariat ou une administration pénitentiaire. Par ailleurs, le tribunal pourra exiger que le condamné n’entre plus en contact avec ses victimes et/ou répare les dommages occasionnés.