Selon les ONG anti-tabac, qui s’opposent à leur commercialisation active, si ces produits peuvent aider à décrocher certains fumeurs, ils restent addictifs et présentent des risques sanitaires encore peu connus.
Dans un entretien à l’AFP, le patron de PMI, Jacek Olczak, reconnaît que les alternatives au tabac classique restent addictives, car elles contiennent de la nicotine, et ne sont pas “sans risque”. Mais il affirme qu’elles sont néanmoins moins dangereuses que les cigarettes à combustion, qui font selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) plus de 8 millions de décès dans le monde par an.
En 2016, Philip Morris a amorcé un virage stratégique, affirmant vouloir devenir une entreprise sans cigarettes à combustion (smoke-free), dans un contexte de réglementation de plus en plus stricte dans de nombreux pays, de procès coûteux, et de chute du tabagisme. Néanmoins, dans les pays où le tabac à chauffer ou sucer n’est pas autorisé, comme la Turquie ou Singapour, PMI ne prévoit nullement d’arrêter la vente de cigarettes classiques, tout en admettant qu’elles font des ravages.
Arrêter de les vendre serait “bon pour l’image de Philip Morris”, mais pas pour le milliard de fumeurs qui (pourraient alors) continuer à les acheter chez d’autres, argumente Olczak. Au lieu de cela, il explique vouloir “continuer à essayer de convaincre les régulateurs et gouvernements d’ouvrir leur marché aux alternatives” avant de “progressivement retirer” les cigarettes de la vente.
Des alternatives moins nocives ?
L’OMS avertit sur son site internet que les produits “alternatifs” sont commercialisés depuis plusieurs années “comme moins toxiques ou pouvant aider les gens à arrêter de fumer (…), mais il n’y a actuellement pas assez de preuves”.
Le centre américain de prévention sanitaire (CDC) souligne également que le tabac chauffé est aussi “dangereux”, “addictif” et qu’“il faut plus de recherche” pour dire s’il fait baisser les risques de maladies.
Toutefois, l’OMS, le système de santé public britannique NHS et même des ONG anti-tabac, reconnaissent que ces alternatives au tabac classique peuvent aider à arrêter de fumer.
“Les gens fument pour la nicotine, mais meurent du goudron” généré par la combustion, résume Deborah Arnott, directrice générale de l’ONG britannique Action on Smoking and Health. Elle s’insurge toutefois contre la possibilité que PMI puisse faire la promotion de ces nouveaux produits, “car ça reste du tabac”. PMI a injecté plus de 10 milliards de dollars dans ces alternatives qui ont représenté en 2022 un tiers de son chiffre d’affaires de 32 milliards de dollars.
Le cigarettier est très peu présent sur le marché des cigarettes électroniques de vapotage (liquides à inhaler qui contiennent ou pas de la nicotine, des produits chimiques et aussi des arômes). En revanche, il mise sur le tabac chauffé et le tabac à mâcher ou sucer (“snus”).
Adaptation aux marchés, “protection des recettes”
Au Royaume-Uni, la promotion du tabac classique ou chauffé est interdite, alors que les magasins de e-cigarettes ont pignon sur rue. PMI veut donc avant tout “protéger ses flux de recettes futures” dans les pays où les perspectives du tabac classique s’assombrissent, estime Deborah Arnott.
D’après Olczak, les nombreuses politiques de restrictions (vérification de l’âge, paquets dissimulés chez les détaillants, banalisés et portant mention des dégâts sanitaires, etc.) n’ont eu qu’un impact “limité”. À l’inverse, il attribue la chute du tabagisme en Suède et au Japon à la commercialisation d’“alternatives”.
Pourtant, si le tabagisme dans l’archipel nippon est tombé de 84 % dans les années 1960 à quelque 30 % en 2018, Japan Tobacco l’attribue à une plus grande prise de conscience par la population des questions de santé, aux réglementations plus dures, aux hausses de prix et à une population vieillissante.
En Suède, l’agence de santé publique note que l’usage d’alternatives comme le tabac à sucer ou les e-cigarettes augmente le risque de passer aux cigarettes classiques chez les nouveaux usagers.