Décès de la Belgo-Marocaine Malika El-Aroud, figure majeure de l’islamisme radical en Europe 

Jeudi 6 avril, la “veuve noire du djihad” s’est éteinte à Bruxelles des suites d’une longue maladie à l’âge de 64 ans. Retour sur un parcours entre extrémisme et fanatisme religieux, au cœur de nombreux attentats.

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Croquis d'audience représentant Malika El-Aroud, veuve d'un des assassins du commandant Massoud, devant la justice belge, le 26 mai 2003. Crédit: Laurence de Vellou / AFP

Le fanatisme religieux de Malika El-Aroud naît des suites d’une jeunesse compliquée et tumultueuse, mêlant alcool, drogue et une pluralité de relations amoureuses. Son quotidien bien éloigné des principes religieux est un jour interrompu par une voix intérieure qui lui murmure “Seul le Coran peut te sauver”, peu de temps après avoir tenté de se suicider. À partir de ce jour, elle voit son existence dictée par un devoir de vengeance envers l’Occident, auquel elle reproche l’humiliation des musulmans.

L’Afghanistan pour faire ses armes

À Bruxelles, elle flirte avec le milieu takfiriste, une sous-branche du salafisme caractérisée par un extrémisme islamique qui prône la violence. Cette mouvance religieuse relativement récente à l’échelle de l’islam constitue le terreau d’Al-Qaïda.

Elle rencontre son futur mari au Centre islamique belge de l’imam franco-syrien Bassam Ayachi (condamné en 2022 pour association de malfaiteurs terroriste en Syrie). Ce dernier la mariera avec le Tunisien Dahmane Abd El-Sattar, qu’elle rejoint en 2001 en Afghanistan, alors qu’il est en mission pour Al-Qaïda sous une couverture de journaliste. Elle, s’y rendra prétendument afin de développer un projet humanitaire, mais en réalité plutôt pour y apprendre à manier les armes.

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La mission de Dahmane Abd-El-Sattar aboutit le 9 septembre 2001 et met dans le même temps un terme à sa vie, dans l’attentat suicide qui fera exploser le commandant Massoud, acteur majeur de la résistance afghane au régime soviétique et fervent opposant à la présence d’Al-Qaïda sur le sol afghan. El-Aroud décrira Massoud comme “un mauvais musulman” et le comparera au “diable” dans un livre publié en 2004.

Suite au “sacrifice” de son mari, elle recevra les congratulations des plus hauts dirigeants d’Al-Qaïda, et selon certaines rumeurs d’Oussama Ben-Laden en personne.

Quid de la justice ?

De retour en Belgique en 2003 où elle est traduite en justice, elle bénéficiera d’un jugement particulièrement clément qui l’acquittera, justifié en ces mots par le président du tribunal : “Vos idées sont très extrêmes, mais je ne peux vous juger pour cela.” Il s’agissait toutefois d’un procès qui regroupait une dizaine d’autres extrémistes, dont certains, soupçonnés de planifier d’autres actions violentes, ont écopé de peines importantes.

Malika sera de nouveau jugée en 2005 en Suisse où elle vit avec son mari Moez Garsallaoui, partisan de la même idéologie, pour avoir participé à la création de Minbar SOS, un site web diffusant scènes de torture et de mutilation d’êtres humains et qui explique comment perpétrer un attentat. Elle écope une nouvelle fois d’une peine légère par la justice helvétique : six mois avec sursis, et six mois ferme pour son mari.

En 2008, un message appelant à placer une bombe dans le métro parisien sera publié sur son site par un complice d’Adrien Guihal, revendicateur des attentats de Nice de juillet 2016 au nom de l’État islamique. Cela vaudra à El-Aroud huit ans de réclusion par la justice belge qui la condamnera en 2010, la reconnaissant également coupable de recrutement de combattants bruxellois pour l’Afghanistan, ainsi que d’être en relation avec des terroristes ayant participé aux attentats de Madrid de mars 2004, et d’autres ayant organisé un attentat au Caire en 2009 dans lequel Cécile Vannier, une Française de 17 ans, avait trouvé la mort.

En 2018, une nouvelle arrestation entraîne le retrait de sa nationalité belge et doit renvoyer Malika au Maroc où elle est née à Tanger en 1959. Toutefois, le royaume s’est toujours opposé à lui fournir les documents nécessaires.