Malika El Aroud n’est désormais plus que marocaine. Celle qu’on surnomme « la veuve noire du jihad » et qui est devenue ces dix dernières années l’icône du jihadisme, a été déchue de sa nationalité belge pour avoir « manqué à ses devoirs de citoyenne« . Ainsi en a décidé la Cour d’appel de Bruxelles le 30 novembre.
Qui est Malika El Aroud ?
La « veuve noire du jihad », âgée de 58 ans, a un parcours bien connu dans le monde du terrorisme. Elle est née en Belgique où elle a eu une jeunesse mouvementée. Le journaliste Jean-Pierre Martin, auteur d’un ouvrage sur les origines du terrorisme en Belgique, affirme à nos confrères de Slate.fr que « Malika n’a jamais terminé le lycée, elle a vécu de petits boulots. Elle a fréquenté les bars, les boites de nuit, et a eu plusieurs aventures amoureuses, une vie de jeune Bruxelloise loin de la religion. D’ailleurs elle ne s’en cache pas dans son livre, même si tout cela est évoqué rapidement et avec pudeur. Mais cela a été confirmé par des membres de sa famille qui avaient rompu avec elle à une époque, car ils ne supportaient pas ce type de vie« .
Mais c’est seulement en 1992, lorsqu’elle a 30 ans, qu’elle se tourne vers l’Islam. Elle se rapproche alors du Centre islamique belge (CIB), fondé par le prédicateur radical Bassam Ayachi. Dans le centre, qui prône un jihad extrémiste et violent, Malika El Aroud rencontre Abdessatar Dahmane avec qui elle se marie en 1999.
Quelques mois plus tard, ils partent pour l’Afghanistan. Deux jours avant les attentats du 11 septembre, il commettra, avec d’autres jihadistes, l’attaque-suicide ayant coûté la vie au commandant Massoud, ennemi des Talibans.
Elle revendique l’acte de son mari lors de son procès dont elle fut acquittée en 2003. Une épopée qu’elle raconte dans son livre Les Soldats de Lumière (2004). Ce statut de « veuve de martyr » fait d’elle une icône dans les milieux jihadistes.
Dans le cadre de sa série « Les soeurs du Jihad », France24 a dressé le portrait de Malika El Aroud.
Suite à ça, elle se remarie avec Moez Garsallaoui, un jihadiste tunisien affilié à Al Qaïda. Ils seront condamnés quelques années plus tard en Suisse pour avoir lancé un site à la gloire du jihad. Lorsqu’ils reviennent en Belgique, ils mettent en place une filière d’envoi de combattants en Afghanistan.
Cette filière sera empruntée par sept personnes, dont son nouveau mari qui sera abattu sur place par un drone. C’est ce même réseau que la justice belge accuse d’avoir recruté Mohamed Merah, auteur des tueries de Toulouse et Montauban en mars 2012. Malika est finalement arrêtée en 2008 et est condamnée à 8 ans de prison ferme. Elle était libre depuis décembre dernier.
Une mesure controversée en Europe
Comparaissait à ses côtés, ce jeudi 30 novembre, le Tunisien Bilal Soughir, qui avait recruté en 2005 Muriel Degauque, la première femme d’origine européenne à avoir perpétré un attentat-suicide au nom de l’islam. Lui aussi a été déchu de sa nationalité belge pour le même motif.
Cette décision exceptionnelle est très peu utilisée en Belgique. En effet, selon la Libre Belgique, jusqu’ici il n’y a eu qu’une dizaine de cas de déchéance de nationalité dans le Plat-pays. En février 2015, suite aux attentats de Charlie Hebdo en France, le gouvernement belge a adopté un arsenal de 12 mesures antiterroristes.
Parmi les mesures proposées par le ministre de la Justice, Koen Geens, la déchéance de nationalité pour les personnes condamnées dans le cadre de faits de terrorisme pour une peine de plus de 5 ans de prison. Aujourd’hui, la loi s’applique désormais aux détenteurs de la double nationalité ayant acquis la nationalité belge après la naissance (par la naturalisation par exemple). Le délai de 10 ans après la naturalisation, au-delà duquel la déchéance n’était pas possible, a disparu avec cette loi.
Cette mesure a largement fait débat ces derniers mois en Europe et plus particulièrement en France à la suite des attaques terroristes du 13 novembre 2015. En décembre 2016, une réforme de la constitution avait été présentée au Conseil d’État à ce sujet. Cette dernière rendait possible une déchéance de nationalité « pour les binationaux nés Français« , et plus seulement pour ceux qui ont acquis la nationalité alors qu’ils sont nés dans un autre pays.
Et c’est seulement à l’expiration de leur peine que ces derniers pourront faire l’objet d’une expulsion du territoire français. Contrairement à la Belgique, après d’interminables débats et désaccords entre le Sénat et l’Assemblée, l’ancien président français, François Hollande, avait finalement enterré le texte de réforme.
Si la déchéance de nationalité rend les coupables expulsables du pays, nous ne savons pas à ce jour si Malika El Aroud va être rapatriée au Maroc et dans quelles conditions.
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