À Jérusalem, célébrations juives, chrétiennes et musulmanes sous haute tension

Des milliers de fidèles juifs, chrétiens et musulmans ont célébré dimanche leur Pâque ou le ramadan dans une Jérusalem sous tension après un énième regain de violence au Proche-Orient.

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Des musulmans prient tandis que les forces de sécurité israéliennes escortent des juifs sur l'esplanade de la mosquée Al-Aqsa, le 9 avril 2023. Crédit: Ahmad Gharabli / AFP

La police israélienne était déployée en force dimanche dans la Vieille Ville, lieu de frictions entre les trois monothéismes, dans la partie orientale de Jérusalem, annexée par Israël, et la journée s’est déroulée sans incident majeur.

Attentats meurtriers, tirs de roquettes en provenance de Gaza, du Liban et de la Syrie, suivis de représailles israéliennes : la région s’est de nouveau enflammée après l’irruption brutale, mercredi dernier, des forces israéliennes dans la mosquée Al-Aqsa de Jérusalem, troisième lieu saint de l’islam, ayant suscité une série de condamnations internationales.

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Dernier épisode en date, l’armée israélienne a annoncé samedi soir avoir frappé la Syrie en riposte à des tirs de roquettes vers la partie du plateau du Golan annexée par Israël.

De Rome, le pape François a exprimé sa “vive inquiétude en raison des attaques de ces derniers jours”, et souhaité un climat “de confiance et de respect réciproque” pour permettre une reprise du “dialogue entre Israéliens et Palestiniens”.

À Jérusalem, plusieurs centaines de fidèles ont participé à la messe de Pâques selon le rite latin au Saint-Sépulcre, dans le brouhaha caractéristique de ce lieu saint disputé entre les différentes confessions chrétiennes. Des offices orthodoxes pour le dimanche des Rameaux avaient lieu en même temps dans les églises et chapelles attenantes.

Le patriarche latin Pierbattista Pizzaballa célèbre la messe de Pâques dans l’église du Saint-Sépulcre de Jérusalem, le 9 avril 2023.Crédit: Gil Cohen-Magen / AFP

Je pense que Jésus et Dieu souffrent de nous voir divisés entre chrétiens, même ici nous sommes divisés, malheureusement”, a dit à l’AFP sœur Elisabeth, missionnaire venue du Tchad et découvrant pour la première fois l’église bâtie sur les lieux où se sont déroulées la crucifixion, la mise au tombeau et la résurrection de Jésus, selon la tradition chrétienne.

Un peu plus loin, des milliers de juifs se pressaient devant le mur des Lamentations pour la traditionnelle bénédiction des Cohanim (prêtres, en hébreu). Cette bénédiction est récitée par des membres de la caste des Cohanim qui, selon la tradition, descendent des prêtres qui officiaient au Temple de Jérusalem jusqu’à sa destruction en 70 apr. J.-C..

Des hommes juifs en tenue traditionnelle se pressent devant le mur des Lamentations, le 9 avril 2023.Crédit: Menahem Kahana / AFP

Aujourd’hui, la “bénédiction des prêtres” a lieu deux fois par an au mur des Lamentations, notamment pour la Pâque juive, célébrée cette année jusqu’à mercredi. “Je sens que Dieu va nous protéger, nous prions tous ensemble comme un seul peuple”, a dit Judy Green, fidèle juive de 60 ans.

Vestige de l’ancien temple, le mur des Lamentations se trouve en contrebas de l’esplanade des Mosquées bâtie sur ce que les juifs appellent le mont du Temple, site le plus sacré du judaïsme.

Selon un journaliste de l’AFP, plus de 500 juifs sont venus visiter l’esplanade des Mosquées dimanche matin, sous escorte policière alors que des musulmans y priaient pour le ramadan, sans qu’il y ait de heurts.

Défiant l’interdit du rabbinat, selon lequel les juifs n’ont pas le droit de se rendre sur le mont du Temple, un nombre croissant d’entre eux se rendent en visite sur l’esplanade depuis quelques années, et certains ultranationalistes en profitent parfois pour y prier subrepticement.

Ces visites créent fréquemment des tensions avec les fidèles musulmans palestiniens qui craignent qu’Israël ne tente de modifier les règles qui régissent l’accès au lieu, ce dont le gouvernement israélien se défend.

La situation “n’est pas très bonne”, déclare sur l’esplanade Mahmoud Mansour, Palestinien de Jérusalem âgé de 65 ans, ressentant ces visites comme une tentative de “mettre les musulmans de côté”. “Mais nous nous battons et nous espérons qu’un jour il y aura la paix à Jérusalem”, ajoute-t-il.

Des Palestiniennes prient devant la mosquée Al-Aqsa, le 8 avril 2023.Crédit: Ahmad Gharabli / AFP

Mercredi, les forces israéliennes ont fait irruption par deux fois dans la mosquée Al-Aqsa et délogé des fidèles rassemblés pour des prières nocturnes, en plein ramadan. Israël affirme que les forces de l’ordre ont été “contraintes d’agir pour rétablir l’ordre” face à des “extrémistes” barricadés dans la mosquée avec des pierres et des fusées de feu d’artifices qui ont été utilisés contre les policiers pendant leur assaut.

Le lendemain, une trentaine de roquettes avaient été tirées du Liban vers Israël, blessant une personne et causant des dégâts matériels. L’armée israélienne a riposté en menant des frappes sur Gaza et sur le sud du Liban.

Et vendredi soir, Israël a annoncé la mobilisation d’unités de policiers de réserve et de renforts militaires, après un attentat à la voiture bélier à Tel-Aviv ayant coûté la vie à un touriste italien, et la mort de deux sœurs israéliennes âgées de 16 et 20 ans dans une attaque en Cisjordanie.

Les deux sœurs ont été portées en terre dimanche après-midi à Kfar Etzion, colonie israélienne du sud de la Cisjordanie, quelques heures après les funérailles d’un jeune Palestinien tué la veille par l’armée israélienne dans ce territoire occupé par Israël depuis 1967.