Réforme du Code pénal : les révélations floues d’Abdellatif Ouahbi 

Le ministre de la Justice assure que sa réforme du Code pénal aboutira à une réduction voire une abolition de certaines peines touchant aux libertés individuelles. Mais ses déclarations restent vagues.

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Abdellatif Ouahbi, ministre de la Justice. Crédit: Yassine Toumi / TelQuel

Dans un entretien accordé à Goud, diffusé le mardi 28 mars, le ministre de la Justice a annoncé que le nouveau projet de réforme du Code pénal verrait le jour très bientôt, après révision d’un certain nombre de ses articles. Certaines dispositions sont toujours à l’étude au sein du ministère, après réception d’avis d’organisations internationales et nationales.

Sur l’article 222, à toutes faims utiles

L’article 222 du Code pénal dispose que “celui qui, notoirement connu pour son appartenance à la religion musulmane, rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le temps du ramadan, sans motif admis par cette religion, est puni de l’emprisonnement d’un à six mois et d’une amende de 200 à 500 dirhams”.

“Si une personne rentre chez elle, il n’y a pas de crime, car la rupture du jeûne en public se fait à l’extérieur de la maison et non à l’intérieur”

Abdellatif Ouahbi

Or des millions de Marocains diabétiques, qui ne doivent donc pas jeûner pendant ramadan, n’ont nulle part où manger dans un contexte de fermeture des restaurants et d’absence d’espaces dédiés. Goud a interrogé Abdellatif Ouahbi sur les mesures prises par le gouvernement en faveur de cette catégorie de personnes. “Rompre publiquement le jeûne n’est pas un crime lorsqu’il existe une raison médicale ou prévue par la Charia”, a répondu le ministre, avouant ne pas avoir réfléchi à cette idée. “Mais je sais que les fonctionnaires atteints de maladies chroniques déjeunent dans leur bureau, nous n’avons pas de problème par rapport à ça”, a-t-il poursuivi.

Dans ces problématiques qui s’imposent, il faut distinguer espace public et espace privé, a estimé Ouahbi. L’espace public appartient à tous, et chacun doit respecter la volonté de l’autre. Si une personne rentre chez elle, il n’y a pas de crime, car la rupture du jeûne en public se fait à l’extérieur de la maison et non à l’intérieur.

Abdellatif Ouahbi évoque la révision en cours du Code pénal sur ce sujet : “Il semble que l’on se dirige vers l’abolition complète de ce crime, ou alors, on considérera qu’il y aura une sorte de rupture du jeûne en public visant à provoquer l’autre, ou quelque chose comme ça.

L’article 490 reste à la maison

“Sont punies de l’emprisonnement d’un mois à un an, toutes personnes de sexe différent qui, n’étant pas unies par les liens du mariage, ont entre elles des relations sexuelles”, dispose l’article 490 du Code pénal.

Sur une éventuelle dépénalisation des relations sexuelles hors mariage, Ouahbi a révélé qu’“on se dirige vers leur décriminalisation dans la sphère privée. Quant à la sphère publique, il faut poser des conditions”.

Toujours sans apporter de certitude sur ce point, le ministre a déclaré : “Il semble que nous nous dirigions vers une réduction de la punition, mais nous voulons maintenir le respect et la conformité dus dans la sphère publique. Quant à l’espace privé, la vérité est que nous nous sommes dirigés vers l’annulation de la disposition qui criminalise ces relations.”

Polygamie, question à choix multiple

Le ministre a également avisé au cours de cet entretien que son département avait préparé une plateforme électronique visant à réduire la polygamie dans la société. Son lancement se fera la deuxième semaine d’avril, a promis Ouahbi qui compte sur cette plateforme pour lui fournir deux réponses.

Premièrement, “il ne nous est plus possible que la polygamie se fasse en cachette. Plus personne ne pourra se marier en secret, et nous contrôlerons tout”, prévoit le ministre.

Deuxièmement, “nous lierons tout cela aux tribunaux, afin de savoir si le mari qui veut devenir polygame a les moyens financiers, et s’il remplit ses devoirs avec sa première épouse et ses enfants”. Selon sa vision, le législateur se doit désormais de “garantir les droits des parties familiales avant de procéder à la réduction de la polygamie”.