Crise diplomatique avec le Maroc : en Tunisie, des voix internes expriment leur colère contre Kaïs Saïed

En Tunisie de multiples acteurs expriment leur indignation suite à l’accueil officiel réservé par le président tunisien au chef du Polisario en marge de la 8e conférence internationale de Tokyo sur le développement de l’Afrique (TICAD 8).

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Le président Kaïs Saïed à Tunis, le 1er août 2021. Crédit: Tunisian Presidency / AFP

Des voix internes à la Tunisie se sont fait entendre contre la décision de Kaïs Saïed d’inviter le chef du Polisario au TICAD8. Cet acte qualifié par le Maroc d’“hostile” et “inédit” a suscité l’indignation de plusieurs personnalités du paysage politique tunisien qui dénoncent un “revirement dangereux” sur le plan diplomatique, au détriment des relations privilégiées et fraternelles existant entre les deux pays.

Réagissant à l’accueil du chef des séparatistes à Tunis, le président du parti Al Majd, Abdel Wahab Hani, a qualifié cet acte de “revirement dangereux” vis-à-vis des constantes de la diplomatie tunisienne. Cet acte va sans doute “exposer les intérêts suprêmes de la Tunisie et sa crédibilité à de grandes difficultés”, a mis en garde Hani sur sa page Facebook, le qualifiant de “suicide politique”.

Abdel Wahab Hani s’est également interrogé sur les raisons derrière cet accueil en grande pompe réservé au chef de l’entité séparatiste, alors que d’autres chefs d’État africains “frères” n’ont pas été reçus par Kaïs Saïed à leur arrivée à l’aéroport de Tunis. “Le président tunisien s’est contenté de leur envoyer la cheffe du gouvernement, qui les a accueillis dans une atmosphère glaciale, sans avoir droit à la cérémonie d’accueil officiel”, a-t-il fait remarquer.

Rupture

S’exprimant à ce sujet, l’ancien président tunisien Moncef Marzouki a indiqué : “En recevant le chef du Polisario comme s’il était à la tête d’un État mondialement reconnu, (Saïed) a rompu avec cette tradition”, précisant qu’il s’agit d’une “reconnaissance publique, claire et franche”.

De son côté, l’ancien diplomate tunisien Elyes Kasri a dénoncé fermement cet acte, qui marque une rupture par la Tunisie de sa politique d’équilibre entre ses deux voisins maghrébins, le Maroc et l’Algérie. “La Tunisie rompt ainsi avec sa politique d’équilibre entre ses deux voisins maghrébins et s’aligne sur l’Algérie contre le Maroc qui n’a pas caché son mécontentement”, a déploré encore cet ancien Directeur général pour les Amériques et l’Asie du ministère tunisien des Affaires étrangères.

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Dans un post sur sa page Facebook, il a expliqué que “malheureusement, la direction politique et diplomatique tunisienne a préféré s’inspirer plutôt de la technique japonaise du hara-kiri en accordant à la délégation sahraouie un accueil inhabituel pour la Tunisie, et plus marqué que celui accordé à des délégations de pays africains avec lesquels nous entretenons des relations historiques et privilégiées”.

“On aurait pu s’attendre à un meilleur transfert de technologie et de savoir-faire a la faveur d’un resserrement de la coopération avec le Japon en abritant le sommet de la TICAD 8”, a regretté cet ancien ambassadeur de la Tunisie à Séoul, New Delhi, Tokyo et Berlin.

Il a indiqué qu’après les succès économiques avec des pénuries de céréales, de médicaments, de sucre, de café et d’essence, “c’est au tour de la diplomatie de nous faire craindre la prochaine initiative qui nous mènera vers davantage d’isolement sur la scène internationale”.

Le secrétaire général du Parti “Courant démocrate”, Ghazi Chaouachi a quant à lui souligné que l’attitude de la Tunisie traduisait “improvisation” et “incompétence”, ainsi qu’un manque de vision claire en matière de relations diplomatiques.

“Que fait le Polisario dans un sommet économique qui réunit les pays africains avec le Japon, d’autant plus que ce dernier ne reconnaît pas l’entité séparatiste ?” s’interroge Chaouachi, également ancien ministre, sur les réseaux sociaux.

Sur la même lignée, Mohamed Lassaad Abid, secrétaire général de l’Organisation tunisienne du travail (OTT), a affirmé que cet acte conduirait à un isolement de la Tunisie aux niveaux “arabe”, “africain” et “international”, qualifiant cette démarche de suicide politique “inédit” de la diplomatie tunisienne.

Le Maroc a décidé de ne pas participer au 8e Sommet de la TICAD qui se tient en Tunisie les 27 et 28 août et de rappeler immédiatement en consultation l’ambassadeur du roi à Tunis “suite à l’attitude de ce pays dans le cadre du processus du forum de coopération Japon-Afrique qui vient confirmer de manière flagrante son hostilité à l’égard du royaume”.

(avec MAP)