Il ne se passe pas une semaine sans qu’un ministre ou un dirigeant de la majorité ne sorte des rangs pour lancer une allusion assassine ou une critique envers les choix du gouvernement de Aziz Akhannouch. Cette semaine, c’est Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau et secrétaire général de l’Istiqlal, qui a tiré une nouvelle flèche sur son allié au sein de la majorité gouvernementale.
Lors d’une émission de débat sur la chaîne Al Aoula, Nizar Baraka a fustigé la politique de subventions inconditionnelles accordées aux importateurs de moutons, sans que celles-ci ne se ressentent sur les prix de la viande au Maroc. Il s’est également indigné de la cherté de certains produits de première nécessité, tout en critiquant l’avidité des intermédiaires et en appelant à une intervention ferme pour lutter contre ces pratiques spéculatives. Enfin, il a émis un doute sur la capacité du gouvernement à créer un million d’emplois d’ici la fin de son mandat.
“Consciemment ou pas, le patron de l’Istiqlal Nizar Baraka appuie là où ça fait mal pour Aziz Akhannouch”
On se demande ce que Nizar Baraka aurait pu ajouter à cela s’il était dans l’opposition. Consciemment ou pas, le patron de l’Istiqlal appuie là où ça fait mal pour Aziz Akhannouch. Il pointe du doigt un secteur dirigé par le Chef du gouvernement pendant 14 ans et qu’il continue de diriger à travers ses anciens lieutenants, qu’il a placés à la tête du ministère de l’Agriculture. L’écosystème de spéculation, de privilèges et de financement inconditionnel d’une caste de grands agriculteurs est le résultat final d’une politique publique menée par Akhannouch pendant de longues années.
Devant les critiques émises par des membres de la majorité, certains pointent l’opportunisme politique des dirigeants de l’Istiqlal et du PAM et leur manque de loyauté envers le Chef du gouvernement et le RNI. Sauf qu’on oublie que ces procédés ne sont pas nouveaux et que Aziz Akhannouch et son parti se sont comportés de la même manière, et encore plus violemment, lors du mandat précédent.
Souvenons-nous : durant le gouvernement de Saâd-Eddine El Othmani, le RNI était l’allié principal du PJD et dirigeait des ministères importants (Agriculture, Économie, Commerce et Industrie…). Et pourtant, le RNI n’a pas ménagé son partenaire pendant les deux dernières années de son mandat, se désolidarisant progressivement de l’action du gouvernement tout en mettant en valeur les performances des ministres étiquetés RNI (notamment Mohamed Benchaâboun et Moulay Hafid Elalamy, populaires à l’époque pour leur participation à la gestion de la crise du Covid-19). On se rappelle de la déclaration de l’un des principaux dirigeants du RNI qui a accusé publiquement le PJD d’avoir un agenda secret pour “détruire le pays”. Rien de nouveau donc sous le soleil terne de la vie politique marocaine.
“Le gouvernement de Aziz Akhannouch est un bateau qui prend l’eau de partout et il est condamné à flotter péniblement jusqu’à la fin de son mandat”
Le gouvernement de Aziz Akhannouch est un bateau qui prend l’eau de partout et il est condamné à flotter péniblement jusqu’à la fin de son mandat. Tout le monde est conscient qu’il est impopulaire, sans incarnation ni discours politique, et qu’il est incapable de s’adresser aux citoyens et de les convaincre, alors qu’ils souffrent de plus en plus de la cherté galopante de la vie. On est probablement en présence de l’un des pires gouvernements de l’histoire moderne de ce pays.
Il est actuellement sous respiration artificielle en attendant les élections de 2026, qui désigneront le fameux “gouvernement du Mondial”, supposé conduire et achever les chantiers de la Coupe du Monde qui sera organisée au Maroc en 2030. D’ici là, chaque parti joue sa propre partition, avec un gouvernement en roue libre, complètement désarticulé, sans cap défini ni horizon commun, ce qui condamne l’action gouvernementale à l’atonie ou à la pure réaction quand une polémique survient ou qu’un mouvement social se déclare dans un secteur. Une pénible attente dans un paysage politique aussi absurde que médiocre !