Pour son deuxième roman, Hajar Azell fait un pas de côté : l’histoire parle de tout, sauf du Maroc. Un parti pris peu commun dans le paysage littéraire marocain, et qui donne au deuxième roman de l’autrice une dimension qui détonne.

Après L’envers de l’été (éd. Gallimard) en 2021, il s’agissait pour Hajar Azell dans Le sens de la fuite — publié dans la même maison d’édition — de tisser des liens entre des territoires tumultueux, souvent mal compris, qui ont été marqués au fer rouge par les printemps arabes au début des années 2010.
De l’Algérie à la Syrie, en passant par l’Égypte, le Liban et la Jordanie, Alice fait et défait ses valises. Elle rêve de couvrir la guerre, la vraie, comme si cela lui permettrait de fuir les batailles qu’elle porte en elle. Le grand potentiel que dévoilait l’autrice dans L’envers de l’été se concrétise dans ce roman, entamé dès 2019 et traversé par une grande question : d’où écrit-on ?
TelQuel : Votre héroïne se nomme Alice. Elle rêve de devenir reporter de guerre, de raconter les déchirures des autres en quelque sorte, mais c’est aussi de ses propres douleurs dont il est question dans ce roman. De quoi souffre-t-elle vraiment ?
Hajar Azell : Je crois qu’elle ne le sait pas. Ce qui m’a intéressé chez ce personnage, c’est qu’elle est incapable de ressentir sa propre douleur. J’ai voulu raconter l’histoire de cette jeune femme, porteuse d’une fragilité enfouie sous plusieurs sédimentations, mais aussi porteuse d’une pulsion de vie qui la pousse vers l’avant. On comprend très tôt dans le livre que c’est un personnage qui aime la fête, mais qui se dissocie très rapidement dès qu’il est question d’appartenir à un groupe.