Dans ce contexte d’urgence, il est impératif d’instaurer un cadre juridique qui garantisse à la fois l’équité, la modernisation de la mobilité et l’intégration des solutions numériques au service des citoyens et de l’économie.
Pour cela, le Maroc doit rompre avec sa position actuelle d’ambiguïté : l’absence de cadre juridique ne garantit aucune protection, ni pour les utilisateurs, ni pour les entreprises opérant dans ce secteur. Ce manque de régulation freine aujourd’hui l’essor de nouvelles solutions en matière de mobilité urbaine. Il est donc urgent de soutenir et légaliser des services comme Careem, inDrive ou Yango.
Avec l’objectif d’accueillir 20 millions de touristes d’ici 2030 et la perspective de la Coupe du monde, tout retard nuit à notre image et freine la transformation promise par la stratégie “Digital Morocco 2030”.
La modernisation du transport doit être une priorité. Différer cette évolution, c’est risquer une exclusion des innovations qui façonnent déjà la mobilité et les villes intelligentes de demain.
Le retrait d’Uber du marché en 2018, faute de cadre légal clair, aurait dû nous servir de leçon. Sept ans plus tard, rien n’a changé : l’agression d’un haut responsable russe à Casablanca, les poursuites et les agressions des chauffeurs d’applications mobiles par des taximen témoignent d’un rejet persistant de ces nouvelles solutions.
Ce rejet, alimenté par le redoutable et invisible lobby des “grimas”, rappelle le mouvement luddite en Angleterre, qui détruisait les machines à tisser pour freiner le progrès industriel. Mais nul ne peut stopper l’innovation, un levier incontournable d’emplois, comme en témoignent les milliers de personnes qui travaillent déjà avec Yango, Careem et inDrive à Casablanca, Rabat et Tanger.
En exploitant de manière anonyme les données de ces plateformes, des villes comme Casablanca, Rabat et Tanger pourraient mieux réguler le trafic, réduire les embouteillages et planifier leurs infrastructures, s’inspirant des grandes métropoles innovantes comme Londres, New York, Singapour ou Istanbul.
Amal El Fellah Seghrouchni invitée à soutenir la révolution de la mobilité
L’argument sécuritaire ne tient pas : Careem, Yango et inDrive offrent déjà une géolocalisation et un suivi en temps réel. Du côté social, la mise en place d’un dispositif de reconversion pour les chauffeurs traditionnels et une refonte des agréments de taxi, souvent exploités de manière injuste, sont incontournables pour garantir une transition équitable.
Il serait opportun qu’Amal El Fellah Seghrouchni se positionne sur cette thématique, en mobilisant le ministère de la Transition numérique pour soutenir activement ceux de l’Intérieur et du Transport dans l’adoption d’un cadre juridique pour la mobilité urbaine. Ce cadre contribuerait à répondre aux questions sécuritaires ou sociales et établirait une réglementation essentielle pour encourager la révolution disruptive de la mobilité tout en rassurant les différents acteurs impliqués.
Ce débat n’est qu’une étape. L’appropriation de l’IA, des drones, du cloud ou de l’internet satellitaire nécessitera également une audace comparable. Faire obstacle à la légalisation de ces innovations, c’est risquer de tuer l’ambition “Digital Morocco 2030” et de réduire cette feuille de route à une simple fiction. Il est temps d’ouvrir la voie à une régulation repensée et de rejoindre pleinement la vague déferlante de l’innovation.