Le Boualem dans la série “Black Mirror”

Par Réda Allali

Salut à vous les amis, c’est une grande nouvelle qui est tombée cette semaine, avec l’entrée en vigueur du cessez-le-feu à Gaza. Depuis quinze mois, les bombes pleuvent sur ces malheureux, le Boualem ne peut donc que se réjouir de voir que les ténèbres s’éclaircissent. Hélas, les épouvantables souffrances humaines et les dégâts matériels infligés à ce peuple vont laisser des traces bien au-delà des frontières du conflit.

Cela fait plus d’un an que l’Empire fait preuve de sa duplicité en soutenant sans faille un massacre, en niant l’évidence, en propageant des fake news, et en réalisant d’infâmes contorsions morales pour justifier un génocide. En quelques mois, on est passé d’un monde où il fallait expliquer les raisons du bombardement d’un seul hôpital, à un autre, où on brûle vif des malades sans estimer devoir fournir de justifications. Avant, quand elle zigouillait une journaliste, il fallait que la seule démocratie de la région évoque une erreur, et à présent, elle peut déglinguer toute une corporation sans même prendre cette peine.

Il est désormais possible, dans des journaux respectables, d’évoquer la déportation – il n’y a pas d’autre mot – des Palestiniens vers l’Indonésie sans que le monde ne s’indigne particulièrement

Réda Allali

Personne ne lui demande de compte, les freins ont lâché. Il est désormais possible, dans des journaux respectables, d’évoquer la déportation – il n’y a pas d’autre mot – des Palestiniens vers l’Indonésie sans que le monde ne s’indigne particulièrement. On peut aussi échanger les otages en insistant sur le nom, le vécu, l’histoire et les émotions des uns et présenter les autres comme une masse informe et anonyme de gens qui méritent probablement ce qui leur est arrivé. Tout ceci a un nom, le colonialisme, cette conscience aiguë que la prétendue supériorité morale de l’Empire l’autorise à tout, et que les critères de justice ne s’appliquent pas à cette caste, puisque c’est elle qui les édicte.

Le monde d’aujourd’hui n’a rien à voir avec celui d’avant le conflit. Le Boualem s’en doutait déjà un peu après la guerre en Irak, déclenchée avec une petite fiole pleine de détergent, mais vous le connaissez, il finit toujours par se montrer optimiste. On ne sait s’il s’agit de l’effet de l’oubli ou de la propension naturelle de tout cerveau humain à produire mécaniquement de la positivité, mais le fait est là. à chaque fois qu’il est rappelé à son statut de barbare islamique, voué au chaos par nature, il est surpris par la violence de cette découverte. Il se demande même comment on va continuer à faire avancer cette planète dans laquelle les notions de droit international et de justice ont été enterrées.

Un peu déprimé par ces propos, Zakaria Boualem a plongé à la recherche de bonnes nouvelles pour terminer cette page tristouille, alors il a ouvert la page du Matin du Sahara, son fournisseur habituel de ce type d’info. Il y a appris que les marges des distributeurs de gasoil étaient en hausse, mais il a du mal à s’enthousiasmer pour cela, allez savoir pourquoi.

Autre nouvelle étonnante, celle d’un jeu d’échecs entre un des plus puissants programmes d’échecs, Stockfish, référence en la matière qui a déjà battu les maîtres humains de la discipline, et une intelligence artificielle nouvellement développée. Le résultat est aussi terrible que sans appel : l’IA a gagné, mais en trichant. Elle a piraté son adversaire, trifouillé ses fichiers internes et obtenu une victoire foireuse, tel un vil voyou numérique. Voilà de quoi donner des idées aux scénaristes de la série Black Mirror, et la certitude à Boualem que ce monde est en train de mal tourner.

C’est tout pour la semaine, et merci.