Il aura fallu neuf ans pour que justice soit rendue. En novembre 2015, dans un dossier intitulé “Learn&Earn Cosmétique : enquête sur une arnaque géante” TelQuel avait démontré que l’entreprise “avait tout d’une arnaque à la Ponzi”.
Fondée en 2013 par Zakaria Fathani, cette société marocaine promettait des rendements faramineux allant jusqu’à 730 % par an grâce à des investissements dans des produits cosmétiques à base d’huile d’argan. Trois sources de revenus étaient proposées par L&C Cosmétique : des « achats participatifs », un système de parrainage pyramidal (MLM) et la vente directe.
Les activités commerciales réelles semblaient pourtant inexistantes : les produits n’étaient ni visibles en magasin ni exportés, et l’essentiel des revenus provenait des nouveaux adhérents. Bref, toutes les caractéristiques d’une pyramide de Ponzi. Dans un tel système, les investisseurs sont rémunérés par les fonds des nouveaux entrants, et non par les recettes générées par une activité réelle, et ce en infraction avec la loi 31-08 sur la protection du consommateur.
L’enquête de TelQuel avait dévoilé une gestion opaque, des pratiques financières douteuses (comme des virements sur le compte personnel de Zakaria Fathani), et des méthodes de paiement associées à des systèmes frauduleux. Malgré l’absence de garanties et des irrégularités évidentes, des milliers de Marocains, souvent issus de milieux modestes, avaient investi leurs économies dans l’espoir d’enrichissement rapide.
Lors de l’enquête, TelQuel avait rencontré le jeune (il avait alors 25 ans) PDG, Zakaria Fathani. Malgré ses promesses grandiloquentes et ses mises en scène inspirées du marketing de masse, celui-ci n’avait pas réussi à s’expliquer.
L&E Cosmétique était alors en pleine expansion : dans les mois suivants, elle a inauguré d’immenses bureaux flambants neufs au cœur de Casablanca, mais aussi des locaux à Khénifra, à Beni Mellal ou Marrakech… En mars 2016, Maroc PME (l’agence publique de promotion de la PME) et Barid Al Maghrib ont même conclu un partenariat avec l’entreprise, qui promettait d’inscrire ses adhérents sur le registre d’auto-entrepreneur.
60.000 victimes
Mais le destin des systèmes de Ponzi, c’est de s’effondrer quand les nouveaux apports financiers ralentissent ou s’arrêtent, mettant en péril des milliers d’investisseurs crédules. Et quelques mois après les révélations de TelQuel, en avril 2016, le procureur du roi de Casablanca a ouvert une enquête sur L&E Cosmétique.
L’affaire a été confiée à la Brigade nationale de police judiciaire (BNPJ), et les comptes bancaires de la société, qui totalisaient 160 millions de dirhams, ont été bloqués. Le 21 juin 2017, Zakaria Fathani est condamné à six mois de prison ferme, à une amende de 20.000 dirhams, mais aussi à dédommager les victimes : 60.000 “distributeurs” de L&E Cosmétique.
Le 8 mars 2019, la Cour d’appel de Casablanca a confirmé la condamnation à six mois de prison de Zakaria Fathani. S’il est alors innocenté pour l’accusation de vente pyramidale, il est néanmoins condamné pour réception de fonds publics sans autorisation.
Ayant purgé sa peine, Zakaria Fathani n’a pas dédommagé ses victimes, et de nouvelles poursuites ont été engagées contre lui, ses deux frères et trois responsables de L&E Cosmétique. Le 27 novembre, rapportent nos confrères de Hespress, la Cour d’appel de Casablanca a donc condamné le PDG à 10 ans d’emprisonnement, ses deux frères à 7 et 6 ans et les responsables à 5 ans et trois ans.