Maroc/Algérie, quel gâchis !

Par Abdellah Tourabi

“Si vis pacem, para bellum” : qui veut la paix, prépare la guerre, une maxime qui n’a jamais été aussi d’actualité qu’en ce moment. Dans un contexte mondial marqué par le retour de la violence comme mode de gestion des différends diplomatiques entre États, et par La Tentation de Mars, selon le titre du remarquable livre du Libanais Ghassan Salamé, on ne peut envisager la question de la guerre qu’avec sérieux et réalisme.

Au Maroc, on ne peut plus continuer à vivre dans un monde magique peuplé de bisounours et de licornes, alors qu’à nos frontières, on bat littéralement les tambours de guerre

Abdellah Tourabi

Les récentes déclarations de Nasser Bourita, ministre des Affaires étrangères, devant les députés marocains, mettant en garde contre “les velléités guerrières“ de l’Algérie, vont dans ce sens et ont le mérite d’être lucides et nécessaires. Au Maroc, on ne peut plus continuer à vivre dans un état d’irénisme, un monde magique peuplé de bisounours et de licornes, alors qu’à nos frontières on bat littéralement les tambours de guerre.

Le pouvoir algérien multiplie les signaux belliqueux depuis un certain temps : hausse spectaculaire du budget militaire qui atteindra l’année prochaine 25 milliards de dollars (presque la moitié du total des dépenses militaires en Afrique !), organisation d’un imposant défilé militaire, le 1er novembre, conçu comme une démonstration de force dans la pure tradition soviétique, sans oublier la multiplication des déclarations agressives et belliqueuses de divers responsables algériens.

Au Maroc, personne ne souhaite le déclenchement d’une guerre entre les deux pays voisins, car nous avons d’autres priorités, bien plus importantes, qu’un conflit armé. Nous avons un pays à développer, des jeunes à éduquer et à employer, des infrastructures à améliorer, des échéances internationales à honorer… Mais dans nos esprits, nous devons être préparés à l’éventualité d’avoir à affronter une folie guerrière venant de l’est.

En Algérie, la tentation guerrière est animée par plusieurs considérations. Tout d’abord, il y a cette nécessité de créer ou de maintenir des “ennemis externes” pour canaliser ou dévier les tensions internes, notamment après l’extinction du “Hirak algérien”. Le Maroc et la France sont historiquement désignés pour jouer ce rôle. Il y a aussi les revers diplomatiques subis par le pouvoir algérien au sujet du Sahara, dont le dernier a été la reconnaissance par la France de la souveraineté du Maroc sur cette région. Acculé sur les plans diplomatique et politique, Alger envisage la guerre comme une option sérieuse, par calcul ou par dépit.

Un élément générationnel entre également en ligne de compte, car à la tête de l’État algérien se trouvent des hommes dont l’expérience de vie et l’âge les tournent davantage vers le passé qu’en direction de l’avenir (le duo Tebboune/Chengriha est presque octogénaire). Ils ressassent de vieilles rancunes et décryptent les changements du monde à travers un logiciel obsolète et dépassé. Et aucune alternative, plus jeune et crédible, ne se dégage pour le moment.

On ne peut observer les rapports, tendus et exécrables, entre le Maroc et l’Algérie qu’avec regret et résignation. Sans tomber dans le slogan creux et imbécile du “Khawa Khawa”, force est de constater qu’une relation saine entre les deux pays aurait porté des fruits bénéfiques pour toute la région : des rapports basés sur la recherche d’intérêts communs, portés par des économies complémentaires, un marché de taille considérable, la lutte contre le terrorisme et l’immigration clandestine, ainsi qu’une proximité culturelle et linguistique.

Mais au lieu de cela, on assiste à un empoisonnement des relations entre les deux peuples, à travers les médias et les réseaux sociaux. Des égos collectifs et imaginaires s’enflent et déversent leur fiel, remplissant les cœurs et les mémoires de haine et de ressentiment. Des jeunes qui n’ont jamais mis les pieds chez leurs voisins ni même les ont rencontrés passent des journées entières à s’insulter et à se dénigrer. Une situation dont le pouvoir algérien, en toute objectivité et lucidité, est largement responsable, du fait de ses lubies guerrières et de ses illusions de domination. Quel gâchis !