Vous le savez, Zakaria Boualem entretient vis-à-vis de notre brave Botola une véritable passion, elle le pousse à vous entretenir ici-même, à intervalles réguliers, des dernières convulsions qui secouent ce monde plein d’émois. Si vous n’aimez pas le foot, vous pouvez passer votre chemin, mais vous auriez tort en vérité, puisque notre Botola propose bien plus qu’un simple spectacle sportif. C’est un monde complet, intégré, cohérent et foisonnant, qui recèle en son sein suffisamment de matière pour pouvoir comprendre, sans plus d’effort, le reste du Maroc. Une nouvelle démonstration de cette incontestable réalité nous a été offerte cette semaine, la voici sans plus attendre.
“Un entraîneur polonais d’une équipe de Botola a osé avancer que nos arbitres avaient le sifflet sensible : une réalité incontestable. La réaction de la ligue professionnelle : le sortage des yeux !”
La semaine dernière, l’entraîneur d’une respectable équipe de Botola s’est plaint de l’arbitrage, un peu comme tout le monde. Mais il est polonais, c’est important à signaler. Il a avancé, le malheureux, que nos arbitres avaient le sifflet sensible, ce qui est une réalité incontestable, et elle a pour conséquence de massacrer nos matchs. Chaque contact est signalé, la moindre simulation est récompensée, et on n’ose même pas vous parler de l’utilisation de la VAR, qui donne lieu à des moments lunaires, quand on voit un arbitre regarder un écran, tellement longtemps qu’on a le temps d’oublier le score avant qu’il ne prenne sa décision.
Le Polonais avait raison, donc. Ce week-end, il a été rejoint par un autre entraîneur grognon, qui a affirmé pour sa part que cette profusion de matchs à huis clos était une catastrophe. Encore une vérité incontestable, mais énoncée cette fois par un Sud-africain, ce qui est encore pire.
La réaction de la ligue professionnelle a été, hamdoullah, à la hauteur de la situation. Elle aurait pu se dire que oui, peut-être qu’il fallait remettre en cause les principes intangibles de notre arbitrage tatillon. Car eux aussi regardent ces matchs et constatent, comme nous, qu’on y joue très peu. Sur la passion du huis clos, cette ligue professionnelle aurait pu aussi se dire qu’il était temps d’y mettre un frein. Après tout, même en Angleterre, la patrie d’origine du hooliganisme, on n’a jamais imaginé jouer le moindre match sans supporters, car c’est bien une hérésie.
“C’est la réaction ultime d’une institution vexée, entièrement tournée vers elle-même, incapable de débattre, nourrie au cocktail fatal d’arrogance et d’incompétence. Voilà, donc, pourquoi il faut suivre la Botola”
Mais face aux critiques, cette noble institution a choisi une autre voie : le sortage des yeux. Elle a donc publié un communiqué qui est un monument porté à la gloire de ce geste technique. Jugez plutôt : “Récemment, des déclarations ont été faites par des responsables et des entraîneurs de clubs… qui ne servent pas le développement du football national ni les transformations positives qu’il connaît, notamment dans le cadre des préparatifs intensifs pour les compétitions régionales et mondiales que notre pays accueillera bientôt. La ligue souligne également la gravité de certaines de ces déclarations… et appelle tous les membres de la famille du football national à unir leurs efforts pour soutenir les progrès récents du football marocain et à maintenir une approche sérieuse, respectant les aspirations des clubs, de leurs supporters et des affaires footballistiques du pays”.
Tout est là : l’intimidation, la susceptibilité, l’appel à l’union sacrée, le rappel de la cause nationale, le refus du débat, le noyage de poisson… C’est un chef d’œuvre en vérité que nous venons de citer, un texte à lire et à relire, la réaction ultime d’une institution vexée, entièrement tournée vers elle-même, incapable de débattre, nourrie au cocktail fatal d’arrogance et d’incompétence. Voilà, donc, pourquoi il faut suivre la Botola : tout y est, et merci.