Comment le Boualem a été pris pour un calamar

Par Réda Allali

Salut à vous les amis, c’est un Zakaria Boualem bronzé et souple sur ses appuis qui vous accueille cette semaine, aussi détendu que peut l’être un locataire en ces temps ténébreux. Il est prêt, le bougre, à entamer une nouvelle saison d’analyses poussives, de sarcasmes redondants et autres jérémiades éculées, car telle est sa mission.

“Le Boualem souhaite commencer cette saison par une double protestation contre deux nobles institutions qui – il faut l’écrire sans complexe – l’ont pris pour un calamar”

Reda Allali

Il aimerait bien vous raconter ses vacances, vous détailler ses heures passées en position allongée, tel un lézard, et vous énumérer les animaux ingurgités, mais ce sera pour un autre jour. Car – on ne change pas un homme de cet âge – il souhaite commencer cette saison par une double protestation contre deux nobles institutions qui – il faut l’écrire sans complexe – l’ont pris pour un calamar. Certes, il fut un temps où notre homme s’insurgeait contre le capitalisme cannibale, par exemple, mais c’est de l’histoire ancienne. Il a abandonné l’idée de se constituer citoyen et a accepté son statut de client, or même là il n’est pas respecté.

Le premier coup est venu d’une entreprise de télécoms dont on ne citera pas le nom, mais qui peut évoquer une couleur ou un agrume. Le Boualem a acheté un routeur WiFi pour le logis de ses vacances, un truc super-pratique et abondamment vanté un peu partout dans des panneaux à la gloire de ce produit. Il aurait sans doute été plus judicieux de lever le pied sur la com’ au profit de l’efficacité, car ce truc – outre qu’il a été livré en retard– n’a jamais marché. Même après des heures de réclamation par téléphone et une visite en agence, activer la puce de cet engin complexe s’est révélé une mission impossible, et l’engin en question a été aussitôt relégué au rang d’objet décoratif, au goût douteux il faut le préciser. Voilà pour les premiers.

Les seconds, figurez-vous, se sont mis en tête de transporter les Marocains par voie aérienne entre les villes de leur paisible royaume. Il nous est impossible de les citer, on se contentera donc de préciser que leur nom évoque une péninsule, une langue, une ligue, et même une coupe que le Raja a gagnée brillamment. Pour une raison qui le regarde, le Boualem a souhaité solliciter les services de cette compagnie pour un vol Rabat-Agadir au mois d’août.

À l’aller, on a commencé par l’informer que le vol comptait trente minutes de retard, qui se sont aussitôt transformées en deux heures à l’arrivée. Au retour, les choses se sont encore dégradées, puisque ce sont bien quatre heures qu’on lui a annoncées. à ce rythme, ce n’est plus une montre qu’il faut pour mesurer le retard, mais un calendrier. Le Guercifi est cette fois incapable de vous annoncer le retard réel car, bien entendu, il a renoncé au projet fou d’emprunter ce vol bien nommé, et il a tracé vers sa destination, par la route, comme un Almoravide.

“Le problème, c’est bien le mépris, il n’y a pas d’autre mot, dont le passager à qui on annonce quatre heures de retard est victime”

Réda Allali

Le pire n’est pas de constater une nouvelle fois que le transport aérien interne est une hérésie. Il suffit d’empiler les heures passées à l’aéroport ou sur la route qui y mène, y ajouter les contrôles intempestifs qu’aucune frontière ne justifie, et tout le monde sera convaincu que c’est une mauvaise idée. Non, le problème, c’est bien le mépris, il n’y a pas d’autre mot, dont le passager à qui on annonce quatre heures de retard est victime.

Cette compagnie aurait pu lui offrir une réduction sur un prochain vol, un petit mot personnalisé de compassion, ou même, soyons fous, un café, mais elle n’a pas jugé un tel investissement nécessaire, car le bougre n’a aucun recours. Voilà les deux histoires qu’il a ruminées tout l’été en se réjouissant de vous les rapporter telles qu’elles se sont déroulées. Bonne rentrée, et merci.