Le Boualem, tous les quatre ans, se prend d’une passion intense pour les Jeux olympiques. Il se retrouve ainsi scotché de longues heures devant des disciplines improbables. Il faut d’ailleurs s’arrêter un instant sur cet étrange phénomène qui le pousse à suivre une compétition d’escrime ou de tir à l’arc pendant les JO alors qu’une telle proposition, si elle lui était faite à n’importe quel autre moment de l’année, lui arracherait des gémissements de protestation indignés.
“Je vous arrête tout de suite, il ne s’agit pas de patriotisme, puisqu’en escrime et au tir à l’arc, nous sommes aussi glorieux que des poulpes en demi-fond”
Et, je vous arrête tout de suite, il ne s’agit pas de patriotisme, puisqu’en escrime et au tir à l’arc, nous sommes aussi glorieux que des poulpes en demi-fond. Non, allez savoir pourquoi il est capable d’observer avec la plus grande attention une Rwandaise défier une Japonaise en épée individuelle ou une Chinoise se déchaîner en BMX freestyle, une discipline dont il ignorait jusqu’à l’existence la semaine dernière.
Il faut aussi préciser que, la plupart du temps, le spectacle proposé relève à ses yeux de l’ésotérisme puisqu’il ignore les règles de ces disciplines, ou pire, il a eu le temps de les oublier entre deux olympiades. Mais, encore une fois, il ne rate rien, comme un retour en enfance, peut-être, ou une improbable poussée d’un esprit sportif qui lui est étranger en temps normal. A moins que, on n’ose même pas l’écrire, il soit frappé d’un humanisme parfaitement saugrenu en ces temps ténébreux.
Oui, il se délecte du côté amateur, spontané, un peu fou de ces disciplines foireuses. Les gars et les filles n’ont pas répété de célébration, ils n’ont pas appris par cœur des éléments de langage pour les journalistes, ils ne se couvrent pas la bouche quand ils parlent entre eux : ce sont juste des sportifs et des sportives exceptionnellement surexposés pendant quinze jours. Plus étrange encore, Zakaria Boualem est empli d’une sorte de bienveillance presque louche à l’encontre de tous nos athlètes.
Car il sait bien, le bougre, qu’à l’exception notable des footballeurs qui ont accès à tous les moyens du monde, qui sont choyés et traités comme des princes, la plupart des autres athlètes marocains ne sont là que par la puissance de leur volonté, associée à la bénédiction de leurs parents et au goût du sacrifice. Il faudrait être un incorrigible triste sire pour geindre sur nos performances médiocres en kayak, comme si la valeureuse athlète qui nous y représente nous devait quelque chose. Il faut le dire clairement, nous n’avons rien à exiger de personne, et merci.
“Avec un peu plus d’ouverture culturelle, les JO auraient pu intégrer le tir de caillou à 100 mètres sans élan, le slalom de scooter 49 cm3 en duo et la tbourida à air comprimé”
Donc, le Boualem applaudit tout le monde, et ne tire de cet évènement que du plaisir, tel est son credo. Au moment où il écrit ces lignes, nous sommes médaillables en boxe et en athlétisme, comme d’habitude, et en football, ce qui est plus rare. Il ne faut pas s’étonner de nous trouver faiblards dans des disciplines aussi absconses que le tir à la carabine 50 mètres trois positions, on a l’impression que les forces de l’empire ont inventé ce genre de diablerie juste pour gagner des médailles entre eux.
Avec un peu plus d’ouverture culturelle, ils auraient pu intégrer le tir de caillou à 100 mètres sans élan, le slalom de scooter 49 cm3 en duo et la tbourida à air comprimé, pourquoi pas, et on aurait eu nos chances. Ne rigolez pas, les amis, il s’est trouvé un temps où existait la nage avec obstacle, où il fallait passer sous des bateaux, même le polo à bicyclette, ça devait être drôle. Voilà donc ce qu’il a vous dire cette semaine, dans cette chronique un peu lunaire, et bonnes vacances.