Vacances marocaines

Par Fatym Layachi

Ça y est. C’est enfin les vacances. Les grandes vacances. Parce que oui, dans le plus beau pays du monde, même quand on travaille, même quand on dirige une entreprise (et d’ailleurs surtout si on dirige une entreprise), c’est normal de prendre des grandes vacances comme au CM1.

Dans le plus beau pays du monde, l’année est rythmée par des temps où l’on n’apporte pas de véritable valeur ajoutée au monde du travail. C’est aussi ça l’exception marocaine

Fatym Layachi

C’est normal de ne pas être productif pendant deux mois, l’été. Tout comme c’est normal de ne pas être productif pendant les fêtes de fin d’année. On ne va tout de même pas bosser pendant les fêtes de fin d’année ! Sûrement pas, car c’est – exactement comme son nom l’indique – une période de fêtes !

Et puis, c’est aussi normal de ne pas vraiment bosser pendant le ramadan. Ou du moins de ne bosser ni pleinement, ni à plein temps. Enfin bref, dans le plus beau pays du monde, l’année est rythmée par des temps où l’on n’apporte pas de véritable valeur ajoutée au monde du travail, et ce n’est absolument pas un problème. C’est aussi ça l’exception marocaine : redéfinir le capitalisme ou plutôt l’angler différemment.

“Tu fais comme tout le monde dans ton petit monde, tu vas retrouver ta famille au bord de l’eau dans une maison familiale (…) Inconsciente de tes privilèges que tu prends pour des évidences”

Fatym Layachi

Donc ça y est, tu es en vacances. Ça fait même déjà cinq jours que tu es en vacances. Ça fait cinq jours que tu fais des grasses mat’ et des soirées encore plus longues que d’habitude. Mais tu ne pars pas tout de suite. Enfin, quand tu dis que tu ne pars pas, c’est plus une façon de parler qu’une réalité. Parce que, bien évidemment, tu ne vas pas rester chez toi en plein été. Personne ne fait ça autour de toi. Alors toi, tu fais comme tout le monde dans ton petit monde, tu vas retrouver ta famille au bord de l’eau dans une maison familiale. Et ça aussi, ça te semble absolument normal. Inconsciente de tes privilèges que tu prends pour des évidences. Alors tu vas passer quinze jours à manger des figues, t’enduire d’huile solaire, faire du tberguig avec tes cousines, jouer aux cartes avec tes tantes et passer tes soirées en gandoura de créateurs.

Tu iras à la plage tous les jours. Surtout le matin. Avant qu’il n’y ait trop de monde. Chaque jour, tu déjeuneras dans une maison différente. Entre visites familiales et invitations un peu polies. Tu mangeras tout plein de poissons bien frais et parfaitement cuisinés. Le tout sans jamais te soucier de qui fait les courses, et comment se font les courses. Les vacances, ce sont aussi les vacances de toute forme d’intendance ou de logistique autre que celle du choix de la couleur de ton paréo du jour.

Quand tu passes des vacances en famille, tu es complètement déresponsabilisée et ça te va très bien. Ce n’est sûrement pas à ce moment-là que tu te plaindras d’être infantilisée. Bien au contraire. Tu savoures pleinement cette détente absolue. Tout te semble si doux en vacances. C’est un peu comme dans la chanson, “Le temps dure longtemps. Et la vie sûrement. Plus d’un million d’années. Et toujours en été.” Sauf qu’On ne dirait pas le Sud, puisque c’est le Nord. Et toi tu y passes au moins vingt jours tous les ans. Cette année aussi. Il n’y a aucune raison de changer de si agréables habitudes.

Et ensuite, tu partiras en voyage. Parce que oui, pour que les vacances soient pleines et entières, tu dois partir en voyage loin. Pas forcément au bout du monde. Mais tu dois quitter le pays. C’est comme ça et ça aussi, ça te semble absolument normal. Tu vas donc aller passer une dizaine de jours avec Zee sur une île en Méditerranée. Tu vas passer une dizaine de jours à découvrir des criques sublimes, à faire les yeux doux aux garçons qui sentent bon la plage et l’ailleurs, à dîner sur des terrasses entourées de bougainvillées, le tout en prenant bien soin de documenter ton Instagram. A quoi bon passer des vacances de rêve si ça ne fait ni rêver ni rager les autres ?

à lire aussi