Salut à vous, les amis. En ce début de saison estivale, c’est un Zakaria Boualem circonspect qui vous accueille cette semaine à l’extrémité de cet estimable magazine. Il est souple sur ses appuis, le bougre, prêt à aller s’étendre tel un lézard sur une plage quelconque, pour récupérer d’une saison éreintante. Oui, il y a eu cette année un tremblement de terre, suivi par une atroce guerre qui a démontré la duplicité de l’empire, une montée du fascisme généralisée, plus la certitude que la planète est en train de bouillir, et la liste n’est pas terminée.
Sur les réseaux sociaux, les digues ont pété, c’est incontestable, l’ambiance est hautement toxique. Il fut une époque où notre spectaculaire plantage en CAN, marqué par une élimination un peu honteuse en huitième, aurait été le point le plus sombre de l’année du Boualem, mais, hélas, les critères ont changé dans des proportions si grandes que cet épisode passe désormais pour un moment comique. Oui, les amis, l’heure est morose. Voilà donc l’état d’esprit du Boualem quand il est tombé sur le rapport du Haut-Commissariat au plan (HCP) sur l’évolution du niveau de vie des Marocains. Sans plus attendre, il s’est plongé dans ce document trapu plein de chiffres et il est aussitôt venu vous en rendre compte.
Cette semaine, le Boualem est tombé sur le rapport du HCP sur l’évolution du niveau de vie des Marocains. Verdict : nous n’avons presque plus de pauvres extrêmes mais nous avons plus de pauvres absolus
Le rapport, qui transpire le sérieux, annonce une bonne nouvelle dès ses premières pages, celle de l’éradication de l’extrême pauvreté, il faut s’en féliciter. Mais quelques lignes plus loin, on nous explique que la pauvreté absolue est en hausse. Oui, il faut le répéter : nous n’avons presque plus de pauvres extrêmes, mais nous avons plus de pauvres absolus, trois millions de plus qu’en 2019 pour être précis. Cette double information a plongé le Guercifi dans un état de perplexité dont on ne sait pas trop s’il est extrême ou absolu.
Il a poursuivi la lecture, et a découvert que la vulnérabilité, elle aussi, était en hausse, dans des proportions épouvantables. Entre 2019 et 2022, sept millions de Marocains ont été frappés de vulnérabilité, qu’il faut ajouter aux douze millions qui l’étaient déjà avant, et à ceux qui ont rejoint cette masse dans les deux dernières années, exclues du rapport. On n’ose pas faire le total, et c’est d’ailleurs inutile puisque nous en savons assez.
“Les Marocains souffrent horriblement, voilà l’affreuse vérité. Chaque mois est un exercice de jonglage, un numéro d’équilibriste angoissant(…) Pourtant, le Boualem regarde autour de lui et il voit un nombre extraordinaire de véhicules de luxe et des comptes Instagram qui débordent de doubailleries”
Il est temps d’arrêter de pinailler et de massacrer le dictionnaire des synonymes avec des extrêmes vulnérables ou des absolus pauvres. Le Boualem, sans aucune espèce d’étude, va vous dire ce qu’il voit autour de lui : les Marocains souffrent horriblement, voilà l’affreuse vérité. Chaque mois est un exercice de jonglage, un numéro d’équilibriste angoissant. Le passage à la pompe est une douleur, les courses au supermarché, chaque semaine, sont l’occasion de mesurer sa faiblesse. Et ceux qui ont eu l’étrange idée de se reproduire font face à des dépenses absurdes pour éduquer leur descendance, qui n’achèvera son cursus qu’au prix de la misère de leurs parents. Oui, le Marocain a pris quelques coups sur la tête, on se demande même comment il fait pour garder le moral. Car il faut ajouter à cette triste liste les dépenses de santé, impitoyables quand elles se présentent.
Pourtant, le Boualem regarde autour de lui et il voit un nombre extraordinaire de véhicules de luxe et des comptes Instagram qui débordent de doubailleries en tout genre. Du coup, il a beaucoup de mal à comprendre, quelque chose lui échappe, il se demande à quel moment il a loupé le grand virage vers les lumières de la félicité, ou juste le petit tournant vers la sécurité financière. En l’absence de réponse, il va vous laisser, car il n’a plus rien à ajouter, sinon que, hamdoullah, il y a le Raja, et merci.