Dessalement de l’eau de mer : une technologie nécessaire, mais à parfaire

Face à une crise hydrique sans précédent, le Maroc a pris des mesures ambitieuses pour sécuriser son approvisionnement en eau, notamment en lançant de multiples stations de dessalement de l’eau de mer. Où en est la mise en œuvre de ces projets vitaux ? État des lieux.

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MAP

Le Maroc fait face à une grave crise hydrique, résultant d’une combinaison de facteurs naturels et humains. En 1960, les ressources en eau disponibles par habitant s’élevaient à 2560 m³, mais elles sont désormais autour de 500 m³. Cette diminution alarmante est exacerbée par une baisse significative des niveaux d’eau des barrages, atteignant leur niveau le plus bas depuis 1945.

En janvier dernier, Nizar Baraka, ministre de l’Équipement et de l’Eau, a présenté devant la Chambre des représentants un plan d’action d’urgence pour répondre à la situation “très grave” du Maroc, touché par la sécheresse pour la sixième année consécutive.

Ce plan inclut des transferts d’eau entre bassins excédentaires et déficitaires (comme l’interconnexion des bassins de Sebou et de Bouregreg à la fin de l’été 2023), la préservation des nappes phréatiques critiques et l’amélioration de l’efficacité des réseaux de distribution d’eau potable, avec un objectif d’efficacité fixé à 80% d’ici 2030.

1,4 milliard de m³ d’eau dessalée d’ici 2030

Le gouvernement mise également sur le traitement des eaux usées pour l’irrigation. La région de Rabat-Salé-Kénitra est pionnière dans l’utilisation des eaux usées traitées à cet effet. En outre, le plan d’urgence prévoit d’augmenter la capacité de production des stations de dessalement pour atteindre 1,4 milliard de m³ d’eau dessalée d’ici 2030, représentant ainsi 50% de l’eau potable consommée, principalement dans les régions côtières où résident 70% de la population.

Selon le 12e rapport annuel du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) pour l’année 2022, le Maroc possède un potentiel en ressources hydriques renouvelables de 22 milliards de m³ par an, soit 606 m³ par habitant, permettant de répondre aux besoins spécifiques de cette situation inédite.

Le dessalement de l’eau de mer pourrait ainsi réduire la dépendance aux précipitations irrégulières, car le pays repose actuellement à 97% sur les eaux de surface (principalement des barrages) et souterraines, souffrant d’un déficit notable. Cette solution contribuerait également à sécuriser l’approvisionnement en eau potable tout en réduisant la pression sur les ressources en eaux de surface et souterraines, dont les stocks diminuent continuellement.

Lors d’une session d’écoute organisée par le CESE, l’autorité gouvernementale compétente chargée de l’eau a mentionné la programmation de nombreux projets structurants dans le domaine du dessalement de l’eau de mer, visant à réaliser environ 20 stations d’ici 2030, sachant que 12 stations de dessalement sont actuellement exploitées avec une capacité de production annuelle de 179,3 millions de mètres cubes.

Le CESE a noté que les avancées technologiques dans le domaine du dessalement de l’eau de mer avaient atteint des niveaux significatifs. Lors de la même session d’écoute avec le ministère de l’Équipement et de l’Eau, il a été souligné que les stations de dessalement de l’eau de mer au Maroc, qu’elles soient actuellement exploitées ou en cours de construction, utilisent la technologie de l’osmose inverse, la plus efficace et respectueuse de l’environnement dans ce domaine.

Le ministère de tutelle exige également des études d’impact environnemental pour la construction de nouvelles stations de dessalement, considérées comme obligatoires et basées sur des directives internationalement reconnues. Ces études garantissent le choix optimal de l’emplacement des stations.

Par ailleurs, il est à noter que les nouvelles stations de dessalement seront établies dans le cadre de partenariats public-privé. Ces stations fonctionnent automatiquement à l’électricité produite à partir de sources d’énergies renouvelables (solaire et éolienne) afin de mieux maîtriser le coût du kilowattheure, qui peut représenter jusqu’à 70% du coût du mètre cube pour une station utilisant des énergies fossiles.

Des externalités négatives à maîtriser

Malgré les effets positifs des projets de dessalement sur l’augmentation de l’offre en eau, des externalités négatives potentielles devront être prises en compte et maîtrisées. Elles concernent notamment la biodiversité des écosystèmes marins et l’économie d’énergie.

Le CESE rappelle dans son rapport une étude réalisée par une équipe de chercheurs internationaux, alertant sur les rejets cumulés des usines de dessalement dans le monde, atteignant un volume de 141,5 millions de saumures par jour

En ce qui concerne la biodiversité des écosystèmes marins, le dessalement de l’eau soulève des préoccupations qu’il convient de surveiller attentivement. En effet, plusieurs publications et rapports mettent en lumière l’empreinte environnementale significative du dessalement, notamment en ce qui concerne le rejet des saumures dans les milieux marins, sans traitement préalable.

Le CESE rappelle dans son rapport de 2022 une étude réalisée en 2019 par une équipe de chercheurs internationaux, alertant sur les rejets cumulés des usines de dessalement dans le monde, atteignant un volume de 141,5 millions de saumures par jour. Ces rejets sont susceptibles de perturber les écosystèmes marins et la biodiversité marine.

Dans ce sens, le CESE préconise d’équiper les stations de dessalement de mécanismes de surveillance, de vigilance et de suivi continus. En ce qui concerne la viabilité énergétique des usines de dessalement de l’eau de mer, il est recommandé de les intégrer dans une vision nationale partagée visant à fournir un mix hydrique résilient face aux changements climatiques.