Au milieu de la nuit la plus noire, parfois, il arrive qu’une faible lueur scintille, et alors, par sa timide existence, elle rallume l’espoir dans les cœurs les plus désespérés. Voilà comment Zakaria Boualem considère les manifestations pour la paix qui ont secoué les campus américains ces dernières semaines. On peut noter l’étrange ton ampoulé de la première phrase de cette page, révélateur de l’émotion qui secoue notre héros quand il évoque cette tragédie.
“Voilà des gamins qui, sans être directement concernés par la boucherie perpétrée par l’armée la plus morale du monde, ont estimé qu’ils devaient faire ce qu’ils pouvaient pour arrêter le massacre”
Et il y a de quoi être ému, en vérité, se dit le Guercifi. Car, enfin, voilà des gamins qui, sans être directement concernés par la boucherie perpétrée par l’armée la plus morale du monde, ont estimé qu’ils devaient faire ce qu’ils pouvaient pour arrêter le massacre, au nom d’une sorte d’humanité dont on pensait qu’elle avait été effacée par le cynisme de notre époque. Ils ont donc occupé 140 campus, dans 50 États, ces chiffres sont prodigieux. On parle ici du plus grand mouvement étudiant du 21e siècle américain, rien de moins.
Ces gosses sont magnifiques, voilà ce qu’il faut retenir. Ils ont déjoué le matraquage médiatique dont ils sont victimes, qui martèle jusqu’à la nausée que tout a commencé avec le massacre du 7 octobre, bien entendu antisémite et non provoqué, et que personne n’a besoin de savoir ce qui s’était passé avant. Ils ont brisé l’unanimité des discours politiques de leur pays, qui présentent tous les sionistes comme des héros de la civilisation moderne, en lutte contre la barbarie islamiste, des représentants du camp du bien, des proies d’une hydre barbue, obscure et repoussante.
Ces jeunes ont réhabilité leur génération, censée avoir réduit tout combat à la quête éperdue de likes, parce qu’elle serait absolument inculte et dépolitisée, narcissique et un peu crétine, à la recherche du selfie parfait. Ils ont su résister aux intimidations des représentants de l’empire, jamais à court d’idées quand il s’agit d’organiser une opération de sortage des yeux.
On les a menacés de les exclure du marché du travail, on les a présentés comme de dangereux antisémites, on a expliqué qu’ils étaient financés par l’étranger, manipulés par on ne sait trop qui… On connaît la chanson. On les a matraqués, on en a arrêté quelques milliers, on les a malmenés, avec la furie qui s’empare des forces du bien quand on s’attaque à leurs fondements, depuis l’intérieur, et avec la rage de ceux qui savent qu’ils ont tort.
“Liberté d’expression, droit international, égalité des peuples… il faut oublier ce genre de contorsions rhétoriques, c’est un peu dommage mais c’est ainsi, place à la loi du plus fort, celle du blond”
L’empire, il faut le dire, ne se cache plus derrière les belles idées, tous les masques sont tombés hamdoullah. Liberté d’expression, droit international, égalité des peuples… il faut oublier ce genre de contorsions rhétoriques, c’est un peu dommage mais c’est ainsi, place à la loi du plus fort, celle du blond. Malgré tout cela, les jeunes manifestent, et tous les filtres qu’on a placés devant leurs yeux ne les ont pas empêchés de voir la seule démocratie de la région comme elle est : une entité colonialiste, raciste, capable de produire une novlangue d’une telle puissance qu’elle fait vaciller la raison, une sorte d’utopie fasciste où la technologie de pointe est mise au service du contrôle de la population et de la séparation des races. Un pays qui, en démontrant la partialité de l’Occident, en mettant à nu le parti pris des démocraties du monde, et en exhibant sans vergogne l’impunité dont il jouit, a fini par mettre en danger la planète.
Le Boualem, donc, voudrait rendre hommage à ces jeunes Américains, dont les protestations sont infiniment plus audibles que les siennes, car elles ne viennent pas d’une lointaine contrée peuplée de couscoussovores islamisés. Bravo à ces jeunes ! Que Dieu les Glorifie, les Clone et les Multiplie ! Et merci.