Les conditions permettant la réussite de la transition énergétique du Maroc n’ont jamais été aussi favorables. Chute des prix des équipements, forte demande d’électricité pour l’industrie, l’agriculture, le tourisme, le dessalement de l’eau de mer, l’hydrogène… Cependant, notre pays semble aborder cette nouvelle ère à reculons, alors même que l’électricité est au cœur de l’économie marocaine. Et ses besoins ne feront qu’augmenter.
Pour tous ces secteurs, l’accès à une “énergie fiable, renouvelable et à un coût compétitif” devient un impératif que le Maroc pourrait transformer en opportunités. Les blocages réglementaires qui entravent cette transition sont en train d’être levés par Leila Benali, la ministre de tutelle du secteur, et Abdellatif Berdach, président de l’ANRE, l’agence responsable de la régulation. Le contexte régional est également propice puisque l’Union européenne mettra en place sa taxe carbone à l’horizon 2026.
Mais le décollage tant attendu n’a toujours pas eu lieu. Deux challenges sont à relever : doter le Maroc d’un réseau électrique moderne et gérer l’intermittence des énergies renouvelables par la construction de nouvelles centrales fonctionnant au gaz naturel. Des défis dont la réalisation nécessite plusieurs dizaines de milliards d’investissement que l’ONEE ne peut pas assumer seul. Face aux opportunités qui se présentent dans le secteur, n’importe quel gouvernement aurait déployé toutes ses capacités humaines et financières pour transformer ces opportunités en réalisations concrètes.
“Le secteur de l’électricité est miné par les problèmes : pas de cohérence d’ensemble, absence de vision et multiplicité d’acteurs aux intérêts divergents”
Au Maroc, nous en sommes encore très loin. Car notre secteur de l’électricité est miné par une série de problèmes : pas de cohérence d’ensemble, absence de vision et multiplicité d’acteurs aux intérêts divergents. Autant de facteurs qui empêchent le royaume de profiter pleinement des opportunités offertes par le secteur de l’électricité en termes de création d’emplois et de valeur. En 2021 déjà, la commission pilotée par Chakib Benmoussa constatait que la pluralité des acteurs “crée un chevauchement des rôles et des responsabilités, d’énormes pertes de valeur impactant les prix aux consommateurs et la stabilité financière des grands acteurs”.
Au-delà des soucis de gouvernance, le décollage du secteur de l’énergie verte est impossible en l’absence d’une réforme de fond de l’ONEE. Celle-ci passe par la mise en place d’un modèle économique pérenne et d’une gouvernance capable de relever les défis de la transition énergétique. Un ONEE réformé et concentré sur ses activités de transport et de gestion du réseau électrique pourrait permettre à l’État de garder la main sur un secteur stratégique de plus en plus ouvert au privé. Trois ans après la publication des recommandations de la Commission Benmoussa, cette réforme essentielle est toujours au point mort. Qui peut donc l’enclencher ?
Au vu de la multitude de responsables publics intervenants dans le secteur, la réponse paraît simple : le Chef du gouvernement. Sauf que Aziz Akhannouch est un acteur central du marché de l’énergie. Fournisseur de l’ONEE en fuel, et bientôt en électricité renouvelable, en eau dessalée et probablement en gaz dans le futur, toute action venant de sa part pour accélérer la réforme du secteur sera scrutée et analysée par les acteurs impliqués, qui ne manqueront pas de crier au conflit d’intérêt s’ils se trouvent lésés par la réforme.
Ne pas agir est probablement une façon d’éviter ces problèmes. Reste un dernier recours : une étincelle venant du sommet de l’État. Que l’on espère salvatrice pour l’ensemble du secteur.