Salut à vous, les amis, et bienvenue à l’extrémité de cet estimable magazine pour quelques minutes ensemble. Le Boualem vous y attend, un peu déshydraté, malmené par l’hypoglycémie, mais toujours aussi alerte, le bougre. Il entame la seconde partie du ramadan avec l’expérience d’un vieux bouc, il sait ménager ses efforts : depuis longtemps, il a fait de ce mois la célébration du mode sans échec.
Il faut toutefois qu’il vous entretienne d’un sujet qui le chiffonne un peu. Figurez-vous que le MarocModerneSARL a apparemment décidé de construire un stade géant à Benslimane, avec la noble ambition d’y accueillir la finale de la Coupe du Monde. Avant de commencer à geindre – car c’est un peu le principe de cette page bougonne – on peut prendre quelques secondes pour savourer l’idée que nous allons organiser le Mondial, un prodige que le Guercifi n’a toujours pas assimilé, en réalité.
“Le Boualem n’est pas d’accord avec le concept d’un stade à Benslimane qu’on essaye de nous faire passer pour un stade casablancais. C’est une entourloupe, sans le moindre doute”
Un ravissement qui ne doit pas le retenir de faire état de ses réserves sur ce projet de stade. Tout d’abord, il n’est pas d’accord avec le concept d’un stade à Benslimane qu’on essaye de nous faire passer pour un stade casablancais. C’est une entourloupe, sans le moindre doute.
Certes, personne ne fera cas de son désaccord, c’est donc une raison de plus pour l’exprimer sans pitié. Construire un stade à Benslimane de plus de 100.000 places suppose qu’on prévoit des moyens de transport pour déplacer toute une ville sur place, la nourrir, lui offrir de quoi soulager ses besoins hachakom… le tout si possible dans le respect de sa dignité.
Par expérience, le Guercifi sait que ces points sont toujours loupés dans nos stades, même les plus récents, tout simplement parce qu’ils ne sont pas prioritaires. A Marrakech, par exemple, l’accès au stade est un défi jeté à la face de la patience et de la résignation, un truc qui peut vous pousser à abandonner votre véhicule sur place pour se lancer aussitôt dans une vie semi-nomade.
“Qui va remplir le stade géant de Benslimane au lendemain du Mondial ? A-t-on prévu la création d’une sorte de Bayern de Benslimane ?”
Mais c’est aussi la taille du stade qui inquiète un peu le Boualem. Car la question se pose : qui va remplir ce stade au lendemain de la prestigieuse compétition ? A-t-on prévu la création d’une sorte de Bayern de Benslimane, au jeu si chatoyant qu’il pousse les foules à se presser sur ses gradins ? Peu probable, tout comme il est peu probable qu’on force les clubs casablancais à se délocaliser là-bas sans risquer un soulèvement populaire, avec la perspective affreuse de liguer dans la colère les Rouges et les Verts.
Non, ce stade sera tout aussi vide que celui d’Agadir, construit avec le même goût du gigantisme. Mais on s’en fout un peu, en vérité, puisque l’objet est de recevoir la finale de la Coupe du Monde, pas de rentabiliser cet investissement. Plus précisément, on considère chez nous que cet investissement sera rentabilisé en un seul match, voilà le raisonnement, ce qui se passera ensuite ne compte pas vraiment.
C’est une spécialité de notre paisible contrée, cette passion pour les coups d’éclat sans lendemain, à l’image de ces extraordinaires théâtres neufs mais fermés qui ornent Casablanca et Rabat. Tout ceci ne serait pas si dramatique si, en même temps que nous étudions ce projet colossal de Coupe du Monde, nous ne privions les Casablancais de leur stade Donor. Sous prétexte de refaire les entrées VIP, on a tout fermé avec enthousiasme, et privé toute une population de son seul bonheur dans la vie.
Et ne venez pas parler à Boualem de sécurité, s’il vous plaît. Les hooligans anglais, autrement plus dangereux à leur époque, n’ont jamais réussi à forcer leur fédération à organiser un seul Manchester-Liverpool à huis clos, et ce malgré la multiplication de leurs retentissantes razzias. C’est tout pour la semaine, et merci.