Zakaria Boualem, pour des raisons qui ne regardent que lui, a voyagé la semaine dernière à l’étranger. Il a ainsi eu le plaisir de goûter aux joies du transport aérien, et il vient aujourd’hui vous en faire le compte-rendu avec la célérité et la rigueur qu’on lui connaît. Il faut préciser, pour commencer, que des restrictions budgétaires sévères l’ont contraint à un vol au départ de Marrakech, telle est la faute originelle.
“Cette file, vous la connaissez sans doute, c’est une spécialité marocaine, la signature de nos aérogares, le truc qu’on ne trouve que chez nous. C’est celle de la sécurité de l’aéroport”
C’est ainsi que le bougre s’est pointé aux portes de l’aéroport de la ville ocre trois heures avant son vol, le pas souple, l’allure conquérante, plein de confiance. Mais avant même de pouvoir pénétrer dans la forteresse aérienne, il a compris que les choses se présentaient mal, puisqu’une file de plus d’une centaine de mètres s’est imposée à lui avec autorité. Cette file, vous la connaissez sans doute, c’est une spécialité marocaine, la signature de nos aérogares, le truc qu’on ne trouve que chez nous. C’est celle de la sécurité de l’aéroport, à ne pas confondre avec la sécurité du vol, prévue un peu plus tard. Avant même d’entrer, il faut donc se taper trente minutes de file et un premier scanner à bagages. Soit.
Ensuite, le Guercifi a dû se farcir la seconde file, pour s’enregistrer sur le vol, c’est normal, avant d’aller enfin se présenter à la seconde fouille à bagages, et c’est là que cette chronique bascule dans le chaos. Une foule absurde, presque quarante minutes d’attente, une masse de touristes hagards qui piétinent devant un système manifestement sous-dimensionné pour une telle cohorte d’humains.
La Boualem a eu le temps d’écouter toute la discographie de Cheb Hasni avant de pouvoir enfin passer – pour la seconde fois, il faut le rappeler – ses bagages dans la machine mystérieuse. Il a dû, bien entendu, se séparer de sa bouteille d’eau pour d’obscures raisons de sécurité encore une fois, une manœuvre qui a permis à quelque force occulte de lui vendre la même bouteille, quelques mètres plus loin, à un prix multiplié par dix. Et le voilà, à présent, devant le contrôle de police, où il semble bien que tout Marrakech se soit pointé en même temps que lui. Cette fois, c’est Bob Marley qui lui tient compagnie, il compte sur la langueur de sa production pour éviter de basculer dans la crise de nerfs.
“Quand le Boualem récupère son passeport tamponné, c’est pour pouvoir le présenter à un autre policier qui vérifie que le premier l’avait bien tamponné, une opération qu’il réalise sous les yeux d’un troisième…”
Quand il se présente enfin au guichet, il tend son passeport et, soudain, plus rien ne se passe. Il ne sait pas si le système est debout (wa9ef) ou par terre (taye7), mais on s’en fout un peu, puisque, dans les deux cas, cela signifie qu’il ne marche pas. Le voilà donc, de longues minutes, à attendre à nouveau. Oui, même le malheureux policier est atterré par la lenteur de son système. C’est un moment lunaire, suspendu… Quand il récupère son passeport tamponné, c’est pour pouvoir le présenter à un autre policier qui vérifie que le premier l’avait bien tamponné, une opération qu’il réalise sous les yeux d’un troisième, qui vérifie de loin la vérification. Voilà encore une autre spécificité locale, il est presque impossible de trouver pareille procédure dans d’autres contrées.
Zakaria Boualem ignore les raisons de cette incongruité, et il préfère ne pas y réfléchir, car il est à ce moment dans un état d’épuisement absolu. Il se demande par quel mystère on a décidé de programmer autant de vols avec aussi peu de personnel, il maudit ses finances de l’avoir contraint à utiliser cette aérogare qui n’est en fin de compte qu’une compilation de files d’attente interminables. Il s’envole finalement pour le Portugal, cette charmante contrée, et il se demande, une fois sur place, s’il ne faudrait pas mieux rentrer à la nage, ça irait plus vite, et merci.