Il est venu. Puis il est reparti. En coup de vent. La visite du nouveau ministre des Affaires étrangères français a laissé un goût d’inachevé. Il faut dire que le marketing précédant la courte apparition de Stéphane Séjourné à Rabat, le 26 février, laissait entendre que cette visite allait offrir plus que ce qu’elle a finalement donné.
Avant sa venue, Stéphane Séjourné a déclaré que le président Macron lui avait demandé de “personnellement s’investir dans la relation franco-marocaine”. Une promesse s’était naturellement formée qu’il apporterait dans sa hotte force annonces et initiatives. Or, outre son extrême brièveté (moins d’une journée), la visite a brillé par la pâleur de son contenu.
Sans être sémiologue, chacun a pu lire une sorte de déception froide sur les traits de Nasser Bourita lors de la conférence de presse conjointe qu’ont tenue les deux homologues. Pour résumer, Séjourné s’est contenté de répéter la position traditionnelle de la France, rappelant le soutien “clair et constant” de Paris au dossier du Sahara, qualifié d’“enjeu existentiel pour le Maroc”. Un discours protocolaire qu’il est bien sûr utile de ressortir à intervalles réguliers, mais qui demeure inchangé depuis 2007, année où la France a officiellement soutenu le plan d’autonomie proposé par le Maroc. Dix-sept ans déjà !
L’on retiendra tout de même que Séjourné a consacré son premier déplacement en Afrique, et plus précisément en Afrique du Nord, au Maroc. Il faut se souvenir qu’en tant que président du groupe Renew au Parlement européen, c’est Séjourné qui a été, en janvier 2023, derrière les deux résolutions agressives visant le royaume. Le hasard des nominations a fait que ce soit le même Séjourné qui fut désigné chef de la diplomatie française.
Sans doute souhaitait-il effacer symboliquement ce casus belli en réservant sa première visite au royaume. Autre point que l’on pourrait qualifier de positif : la promesse de la France d’engager des investissements dans nos provinces du Sud, selon un partenariat renouvelé couvrant les trente prochaines années. Ces investissements futurs, sans impliquer une reconnaissance nette de la marocanité du Sahara, tracent en principe une voie de fait vers cet aboutissement. Cependant, rien n’est moins sûr.
Tout cela est bel et bon, mais, en réalité, cette visite pose problème. Au fond, son seul mérite a été pour la France d’installer l’idée que les tensions entre nos deux pays ont pris fin. Depuis la crise des visas en 2020 et les manifestations patentes du tropisme pro-algérien de Macron, le royaume a très bien joué sa partition. En exprimant clairement son mécontentement vis-à-vis de la France, notre pays a exercé une pression intelligente sur l’Élysée.
Pression qui, in fine, devait aboutir à un vrai tournant dans l’approche française envers le dossier du Sahara, le seul qui compte. Cette même pression, exercée par le Maroc sur l’Espagne, a abouti au virage spectaculaire du président du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez. Celui-ci reconnaît désormais que le plan d’autonomie proposé par le Maroc n’est pas simplement crédible et réaliste, mais le seul à même de produire un règlement définitif au conflit.
“Sans rien faire avancer, cette visite aura théoriquement noué une réconciliation favorable à la France, mais dont le Maroc ne tire rien de concret”
Certes, la bienséance impose de ne guère rejeter le désir de visite d’un chef de la diplomatie, qui plus est d’un pays auquel nous lie une longue histoire, mais le Maroc ne peut accepter que Séjourné débarque en coup de vent, n’annonce rien de nouveau, ne rencontre ni les parlementaires, ni la société civile, ne s’entretienne avec aucun autre membre du gouvernement, et reparte après avoir récité son script avec la satisfaction d’avoir réparé la relation. Ce faisant, notre pays a relâché une pression maintenue pendant quatre ans pour du vent, alors que rien ne l’y obligeait. L’exact contraire de la stratégie adoptée avec l’Espagne.
A minima, Séjourné aurait dû s’aligner sur la position de Sánchez en attendant qu’Emmanuel Macron, en tant que chef de l’État, reconnaisse, comme le fit Trump, la souveraineté pleine et entière du royaume sur ses provinces du Sud. Il ne suffit pas de deux mots de la part du néo-ministre Séjourné pour effacer le passé. Au final, cette visite demeurera une énigme. Sans rien faire avancer, elle aura théoriquement noué une réconciliation favorable à la France, mais dont le Maroc ne tire rien de concret. Dont, au fond, il ne gagne rien.