Palestine : le courage d'espérer

Par Fatym Layachi

Tu as un peu l’impression que le temps s’accélère. Ou se tord. Tu ne sais plus. Entre la planète qui se réchauffe et les conflits en surchauffe, il n’y a pas grand-chose de réjouissant. La guerre au Proche Orient inquiète et affole. Cette guerre qui chaque jour s’enfonce plus dans l’horreur humanitaire. Cette guerre aux allures d’impasse sanglante. Cette guerre dont la seule et sinistre certitude est que le bilan macabre du jour sera pire demain. Que les lendemains seront pires.

“C’est une chance de ne pas s’inquiéter. C’est une chance de ne pas enterrer ses proches”

Fatym Layachi

Cette guerre, tu la regardes. A la télé, sur ton iPhone. Tes potes, toi, et tous ceux qui sont derrière un écran, cette guerre vous ne la vivez pas et c’est une chance. C’est une chance de dormir paisiblement. C’est une chance de ne pas s’inquiéter. C’est une chance de ne pas enterrer ses proches. C’est une chance de vivre dans un pays en paix.

La guerre, on la commente. Elle nous touche, nous prend aux tripes parfois. On s’en émeut. On s’en indigne. Et c’est juste. Mais au fond, que voulons-nous, nous, derrière nos écrans ? Dénoncer les atrocités de tous bords et la barbarie de toute part ? Bien évidemment. Et après ? On rêve bien d’un horizon. On a tous forcément un horizon qui nous fait rêver. Qui nous anime. On ne peut pas uniquement être contre. Être contre, c’est pas un horizon.

Et si on tentait d’avoir le courage d’être pour. Pour la paix. Pour espérer demain. Demain et les jours d’après. Pour ne pas céder aux extrémismes de tous bords. Pour ne pas être aveuglés par la barbarie de toutes parts. Quand une Palestinienne refuse de rester prisonnière d’un étau de peurs. La peur de voir son gamin mourir sous les tirs de l’armée israélienne. La peur de voir son gamin mourir en “martyr” parce qu’il aurait cédé à l’appel de ces vendeurs de haine et prêcheurs de faux. Quand cette femme décide de croire en la paix, on ne peut que la suivre. Cette femme, elle s’appelle Reem Al-Hajajreh, elle vit dans le camp de réfugiés de Dheisheh.

“La paix est l’unique solution. Ce n’est pas toi qui le dit, c’est une militante Palestinienne, Reem Al-Hajajreh”

Fatym Layachi

Elle n’a cédé ni au désespoir ni à la haine, elle continue de croire en la paix. Elle a fondé l’organisation Women of the Sun, une organisation qui milite et œuvre pour la paix. Parce que la paix est l’unique solution. Ce n’est pas toi qui le dis, c’est elle. Ce sont ses mots. “Il n’y a pas d’autre route que celle de la paix. Il n’y a aucun autre moyen de préserver nos vies, celles de nos enfants et de ceux que nous aimons.” Et si cette femme qui vit la guerre dans sa chair. Dans ses deuils. Dans ses angoisses. Dans son quotidien entravé. Si cette femme se bat pour la paix. Si cette femme y croit, alors toi, derrière ton écran, qu’est-ce qui t’en empêche ? Pourquoi ne pas y croire ?

Quand un Palestinien assène, le regard droit, qu’il a fait le choix d’utiliser sa douleur “pour construire plus de ponts, pour que sa colère ne crée pas un cycle de violence infinie”, on ne peut qu’acquiescer. Cet homme, c’est Bassam Aramin. Sa fille Abir a été tuée le 20 janvier 2007 d’une balle dans la tête par un garde-frontière israélien. Elle avait dix ans. Il a choisi de ne pas sombrer. Il a rejoint Le Cercle des Parents, cette organisation qui réunit des milliers de Palestiniens et d’Israéliens endeuillés par la guerre, pour se délivrer, non pas du chagrin, mais du ressentiment.

“On doit partager la terre, sinon c’est la tombe que l’on partagera”. Les mots de Bassam Aramin sont forts. Lucides. Inspirant”

Fatym Layachi

Son courage est admirable. Il nous oblige. “On doit partager la terre, sinon c’est la tombe que l’on partagera”. Ses mots sont forts. Lucides. Pragmatiques. Inspirants. Reem et Bassam ne sont que deux exemples. Puissent-ils justement nous servir d’exemples. Et il n’y a pas qu’eux. Ils sont des milliers. Des dizaines de milliers. En Palestine et en Israël. Ils se battent. Se battent pour la paix. Pour la lumière. Écoutons-les. Écoutons leurs voix. Elles sont le courage. Le courage de la paix. Elles sont l’espoir. L’espoir que les lendemains cessent d’être pires.