Le massacre des innocents

Par Fatym Layachi

L’année vient de commencer. Ça y est. On est en 2024. Enfin… soupire ta mère. C’est la période des vœux, des bons sentiments, des messages qu’on transfère sur WhatsApp, de ceux qu’on essaie d’écrire avec des mots personnalisés et des bonnes résolutions. Toi, cette année, tu as décidé de n’en prendre absolument aucune.

Tu ne les tiens jamais de toute façon. Et tu t’en veux de ne pas les tenir. Tu finis par culpabiliser, tu te trouves nulle et tu t’en veux d’être nulle. Et l’année qui suit, tu mets deux fois plus de résolutions sur ta liste. Tu te dis que tu seras deux fois plus fière de toi si tu les tiens. Mais c’est deux fois plus dur à tenir. Du coup, tu as deux fois plus la flemme. Et puis tu en fais deux fois moins.

Alors, cette année tu n’en prends même pas. Cette année, à défaut de trouver des sources d’autosatisfaction, tu vas déjà essayer d’éviter les autodéceptions. Ce sera déjà ça. D’ailleurs, toi, par principe, tu ne comprends pas vraiment le concept des bonnes résolutions. Selon quelle logique il faudrait dresser une liste de trucs qu’on n’a aucune envie de faire toute l’année et qu’on aurait subitement très envie de faire sous prétexte qu’on est le premier jour de l’année ?

T’aimes pas méditer le 14 mars, il n’y a aucune raison que tu adores ça le 1er janvier. Tu adores t’empifrer de Schtroumpfs Haribo, tu sais bien que c’est dégueu mais tu adores ça, et tu ne vas pas subitement te réveiller avec une conscience sous prétexte que c’est le début de l’année. Bref, les résolutions, ça ne te réussit pas du tout. Tu vas te contenter des vœux et des bons sentiments pour cette nouvelle année.

“Que cette année soit douce. Je vous souhaite à tous de la douceur… Ce n’est plus des cartes de vœux, c’est une bouteille de Soupline, ce truc”

Fatym Layachi

Sur WhatsApp, dans ta boîte mail et sur les Instagrams, c’est la grand-messe des bons mots. On se souhaite d’aller mieux. D’être serein. D’être aligné. D’être reconnaissant. D’ouvrir son cœur. Et puis le mot qui revient en boucle, c’est la douceur. Que cette année soit douce. Je vous souhaite à tous de la douceur. Que vos journées soient douces. Ce n’est plus des cartes de vœux, c’est une bouteille de Soupline, ce truc. C’en est presque embarrassant. Et bien évidemment, la santé. Surtout la santé.

C’est qu’on ne sait plus quoi se souhaiter. Tu ne vois pas comment être positive dans ce monde qui ne semble pas tourner rond. Tu as du mal à voir des trucs positifs. Entre le réchauffement climatique, les catastrophes naturelles, les extrêmes qui remportent de plus en plus d’élections, les obscurantistes qui gagnent du terrain et la violence qui s’empare des discours, tu ne vois pas vraiment de quoi on pourrait se réjouir. C’est même plutôt l’inverse. L’état du monde qui part en vrille peut filer des crises d’angoisse au plus stoïque d’entre nous.

“Plus de 5000 gosses tués, ce n’est pas une guerre, c’est un massacre”

Fatym Layachi

Et puis il y a cette guerre qui a clos l’année précédente et qui semble partie pour durer. Cette guerre dans laquelle le sang coule bien plus que ce que la raison peut entendre. Ce qui s’y passe est dramatique dans l’absolu. Peu importe où l’on se place, peu importe vers quel côté notre cœur a tendance à pencher. Si plus de 5000 enfants morts dans un conflit dont ils ignorent tout ne nous touchent pas, c’est qu’il y a une part de notre humanité qui a été amputée. Plus de 5000 gosses tués, ce n’est pas une guerre, c’est un massacre. Et la santé surtout, hein ?