Développement : la Perle du sud se rêve en Abu Dhabi du Sahara

En pleine mue, Dakhla est amenée à devenir un hub atlantique vers l’Afrique, l’Europe et l’Amérique. Grâce à son soleil, son vent, sa mer, ses ressources et les projets structurants, la perle du Sud attire déjà les investisseurs. Un mouvement appelé à s’accélérer avec le partenariat noué avec les Émirats de Mohammed Ben Zayed. D’ailleurs, Dakhla et Abu Dhabi partagent certaines caractéristiques similaires. L’ancienne Villa Cisneros marche-t-elle dans les pas de sa grande sœur du Moyen-Orient ?

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TOUMI/TELQUEL

Les Emirats arabes unis ont mis les petits plats dans les grands pour recevoir le roi Mohammed VI, lundi 4 décembre. Escadron de cavaliers, coups de canon, honneurs militaires… le protocole réservé aux hôtes de marque a été déployé pour souligner le caractère exceptionnel de cette visite.

À Dakhla, à plus de 7000 kilomètres d’Abu Dhabi, on suivait de près cet événement inscrit dans le cadre d’“un partenariat novateur, renouvelé et enraciné entre le Royaume du Maroc et l’État des Emirats Arabes Unis”, pour reprendre la terminologie officielle.

Et pour cause, la rencontre des deux chefs d’Etat s’est conclue par la signature d’une déclaration ouvrant la voie, et c’est une première, à des “partenariats économiques stratégiques communs et pionniers au niveau des marchés régionaux et internationaux”, notamment africains. Un partenariat où Dakhla occupe une place de choix.

La perle du Sud est citée cinq fois dans la déclaration commune du Maroc et des EAU(…)Y sont listés, notamment, le projet “Dakhla Hub” qui renforcera les capacités aériennes de Dakhla, l’aménagement et l’investissement dans la gestion du port de Dakhla Atlantique…

La perle du Sud est citée cinq fois dans la déclaration commune, qui liste des projets concrets sur lesquels cette coopération, qui se veut pragmatique, va porter. Y sont listés, notamment, le projet “Dakhla Hub” qui renforcera les capacités aériennes de Dakhla, l’aménagement et l’investissement dans la gestion du port de Dakhla Atlantique, les énergies renouvelables et la production de l’hydrogène vert et ses dérivés, le projet “Dakhla Gateway to Africa” ainsi que le développement de projets communs dans les domaines du tourisme et de l’immobilier.

Cette contribution aux projets structurants du Maroc prendra différentes formes : capitaux, prêts concessionnels, prêts commerciaux compétitifs, des mécanismes de financement innovants mais aussi des dons. Le tout sera encadré, puisque des mécanismes de mise en œuvre et de suivi seront mis en place pour la bonne exécution de ces projets.

Dakhla-Abu Dhabi, un destin commun ?

Dakhla est amenée à devenir “une plateforme mondiale pour les échanges commerciaux, (…) les investissements et les services entre le Maroc et les pays bordant l’océan Atlantique ainsi que son hinterland africain

Yanja El Khattat, le président de la région Dakhla-Oued Eddahab

Le partenariat maroco-émirati ouvrira des perspectives prometteuses pour la région de Dakhla-Oued Eddahab”, a réagi, au lendemain de ces annonces, Yanja El Khattat, le président de la région (lire interview). La perle du Sud est amenée à devenir “une plateforme mondiale pour les échanges commerciaux, les investissements et des services entre le Maroc et les pays bordant l’océan Atlantique ainsi que son hinterland africain, en particulier les pays d’Afrique de l’Ouest, et une fenêtre d’ouverture sur l’espace américain”, s’enthousiasme-t-il.

Dakhla-Abu Dhabi, un destin commun donc ? Si les réalités des deux pays sont différentes, les ambitions de la capitale émiratie avec la ville marocaine, notamment une diversification économique et l’investissement massif dans de nouveaux secteurs, sont identiques.

Abu Dhabi s’émancipe du pétrole au profit du tourisme, des technologies, des énergies renouvelables et de la finance, tandis que Dakhla joue la carte de l’investissement dans des secteurs tels que l’énergie, l’industrie maritime, le tourisme, la pêche et l’agriculture. Objectif : devenir un hub commercial d’envergure internationale.

Cette ambition a été tracée de longue date par Mohammed VI lui-même, et à plusieurs reprises. Le premier jalon a été posé par le “Nouveau modèle de développement” des provinces du Sud dès 2013, qui sera suivi quelques années plus tard par une visite du souverain à Dakhla. En 2016, à l’occasion du traditionnel discours de la Marche verte, Mohammed VI annonçait “la mobilisation de tous les moyens disponibles” pour la réalisation de grands chantiers dans la ville.

La feuille de route était d’ores et déjà tracée : “Il sera procédé au renforcement du réseau routier de la région, à travers la réalisation d’une voie express, aux normes internationales, entre Tiznit, Laâyoune et Dakhla (…) De même, nous comptons construire le grand port atlantique de Dakhla, réaliser d’importants projets d’énergie solaire et éolienne dans le Sud, et connecter la ville de Dakhla au réseau électrique national”, énumère le souverain, qui annonçait dans ce même discours le projet de dessalement de l’eau de mer.

Le 6 novembre 2023, toujours à l’occasion du discours de la Marche verte, le roi précise davantage les ambitions du royaume pour Dakhla et le reste du Sahara : la mise à niveau du littoral pour une “structuration de portée africaine de cet espace géopolitique” et “ la constitution d’une flotte nationale de marine marchande, forte et compétitive”.

“Déjà de quoi faire”

Pourquoi miser autant sur la perle du Sud et sa région ? Dakhla regorge d’atouts, par sa position géographique, ses atouts naturels pour le tourisme et la pêche qui la positionnent idéalement. C’est ce que pense d’ailleurs Dominique Strauss-Kahn, invité aux journées de la promotion de l’investissement de la ville.

Interrogé par i24, l’ancien patron du FMI explique qu’il y a “la volonté du royaume de développer cette province et une opportunité assez grande”, notamment grâce aux ressources halieutiques, qu’il qualifie de considérables, et au futur port de 2 millions de tonnes.

“Demain, peut-être que les champs pétrolifères trouvés en Mauritanie et au Sénégal remonteront jusqu’ici. Ce serait une opportunité encore plus grande. On n’en est pas encore là mais, déjà, il y a de quoi faire”, conclut-il.

Avec ses 667 km de côtes, une baie de 400 km2, 2400 hectares attribués à l’aquaculture, un potentiel de 100.000 hectares de terres exploitables pour l’agriculture, l’ensoleillement, le vent et le terrain plat qui la rendent idéale pour la production d’énergies renouvelables (éolienne, solaire et hydrogène vert), Dakhla et sa région ont clairement le potentiel de leurs ambitions.

La volonté politique aidant, la Dakhla de 2035, qui n’a déjà plus rien à voir avec la Villa Cisneros laissée par l’Espagne, devrait encore plus se métamorphoser. Gageons que le nouveau partenaire, l’émir Mohammed Ben Zayed, président des Emirats arabes unis, qui avait pris part à la Marche verte à l’âge de 14 ans, verra une ville encore plus transformée à l’achèvement des travaux herculéens que connaît la perle du Sud.