Dua Lipa, les barbares musulmans, et le Boualem

Par Réda Allali

Hélas, la situation se dégrade à grande vitesse. Zakaria Boualem aurait bien voulu vous concocter une page guillerette, mais il n’en a pas la force, car chaque nouvelle semaine apporte son lot d’infamies. Nous vivons un cauchemar. Souvenez-vous, dès le début du conflit, les plus brillants dirigeants de la seule démocratie de la région avaient traité les Palestiniens d’animaux, d’enfants des ténèbres, ce genre de choses. Il s’en était même trouvé un pour proposer de les écraser avec une ogive nucléaire, vous apprécierez le sens de la mesure.

Étonnamment, ces déclarations un peu folles ont le plus grand mal à se frayer un chemin vers les médias du premier monde, on se demande pourquoi. Puis, ils ont bombardé avec enthousiasme des maisons, des immeubles, des écoles, des églises, des mosquées, des hôpitaux, des ONG, des universités, des centres culturels, des journalistes, des enfants, des vieillards, sans se poser trop de questions, car ils sont les victimes, les seules.

Pendant ce temps, sur les écrans de l’empire, se sont succédé avec abnégation les braves soldats de leur propagande, qui se sont mis à marteler qu’il fallait condamner le “Khammas”, avant tout, et avec conviction s’il vous plaît, puis reconnaître à cette seule démocratie de la région le droit à se défendre, avant de rappeler que tous ceux qui nourrissent des réserves sur cette affaire ne sont qu’un troupeau d’antisémites, qu’il faut lyncher sans plus attendre, et merci.

« Se succèdent sur nos écrans des vidéos de simples citoyens de cette fabuleuse démocratie. Des familles respectables, déguisées en Palestiniens, chantent qu’elles n’ont ni eau, ni électricité, ni maison…”

Réda Allali

Tout cela, vous le savez, chers lecteurs, mais c’est la suite qui est inattendue. Car, depuis quelques jours, se succèdent sur nos écrans des vidéos de simples citoyens de cette fabuleuse démocratie, qui mettent en scène leur ignominie. Zakaria Boualem a ainsi pu admirer des familles respectables, déguisées en Palestiniens, chantant qu’elles n’ont ni eau, ni électricité, ni maison. Ces gens sympathiques se noircissent les dents et les sourcils, se jettent un foulard sur la tête et prennent un air abruti, voilà comment ils voient leurs voisins. On a aussi pu voir des soldats s’amuser avec des vélos chapardés dans un domicile qu’ils avaient auparavant bombardé, c’est très drôle. Un autre a cru bon de nous faire un petit tuto scatologique que Zakaria Boualem se refuse à décrire plus précisément.

L’horreur, ce n’est pas seulement le fait que ce genre de vidéos existe : elle réside aussi dans l’idée qu’on puisse les diffuser en toute décontraction. Le Guercifi est incapable de déterminer s’il s’agit de déliquescence morale, d’aveuglement collectif, ou d’une simple étape de plus dans la déshumanisation de l’autre, mais justement, il a du mal à imaginer la suivante… Et pour terminer en beauté cette liste, il faut citer la chanson qui caracole en tête des hit-parades démocratiques de cette belle contrée, un rap de fort bonne facture où il est question de faire pleuvoir l’enfer sur les rats palestiniens, de placer la chaleur de l’épée sur leur tête, et aussi sur celle de leurs soutiens.

La chanteuse Dua Lipa, par exemple, est menacée de mort sans aucune espèce de nuance. On n’ose imaginer ce qui se passerait si la digue cédait, si les 90 millions de followers de Dua Lipa décidaient de défendre leur idole, ou si les rappeurs des ténèbres répondaient à ce clash. Mais bizarrement, ce genre de production infecte ne déclenche pas de débats sur les chaînes impériales, qui ont déjà établi, sans possibilité de rattrapage, que les seuls barbares sont les musulmans. Tout le monde trouve ça normal, on préfère se poser la question de savoir si la gauche française soutient les terroristes, ce genre de niaiseries. D’où la question : qui peut arrêter ces gens ? C’est la seule qui mérite d’être posée. Et merci.