Chers dirigeants de l’Empire, leaders du premier monde et combattants de l’Axe du bien

Par Réda Allali

Salutations,

Je m’appelle Zakaria Boualem, et je me permets aujourd’hui, au mépris de la bienséance, de m’adresser à vous depuis le fond de ce magazine, car la situation est grave. Il y a certes peu de probabilité que cette missive vous parvienne, et encore moins de chance qu’elle n’influe sur votre noble politique, mais, c’est ainsi que je suis conçu, j’ai la passion des causes perdues.

Il m’apparaît nécessaire de vous informer que mon regard sur votre empire a beaucoup évolué ces dernières semaines. Il est fort possible que cela ne soit pas très important à vos yeux, mais il m’a semblé que vous devriez être mis au courant. Il est tout simplement impossible, pour n’importe lequel de mes congénères, enfants des ténèbres ou barbares, de ne pas voir la distorsion de vocabulaire que vous appliquez au massacre de Gaza.

D’un côté, le vôtre, il y a des tués, et de l’autre, de simples morts, comme s’ils avaient tous glissé dans les escaliers. Les colonies sont des implantations, vous avez une sorte de génie pour nous expliquer que ce que nous voyons n’est pas ce que nous voyons. On peut continuer l’exercice ensemble : d’un côté, il y a une grande démocratie éclairée qui a le droit de se défendre, et de l’autre, des fanatiques religieux qui n’ont pas le droit de se défendre.

Qu’importe si les leaders sionistes invoquent leurs textes sacrés pour expliquer leur volonté d’effacer leurs ennemis, ce sont bien les barbares qui sont les illuminés islamistes. Qu’importe aussi si ces grands hommes dirigent une armée qui chope les gamins et les enferme sans jugement des mois et des années, ce sont bien ceux d’en face qui kidnappent.

Et, même s’il ne se passe pas une semaine sans qu’on ait droit à quelque spectaculaire crétin chantant à plein poumon ses pulsions génocidaires en blanc et bleu, ce sont les Palestiniens, et eux seuls, qui voudraient effacer leur ennemi de la surface de la terre. Et puis, il faut parler un peu de l’accusation d’antisémitisme, ce gaz paralysant que vous utilisez contre ceux qui auraient le malheur de résister à votre délire. Cette liste doit s’arrêter, car seuls ceux qui ne veulent pas comprendre n’ont pas encore compris. Je ne vais pas perdre plus de temps à vous expliquer ce que vous faites, c’est un peu débile.

Maintenant, il reste à comprendre pourquoi vous avez basculé dans cette attitude aussi partiale, pourquoi vous avez décidé de devenir supporters ultras d’une opération de nettoyage ethnique. Oui, vous, chers puissants, pourquoi cet enthousiasme à soutenir un carnage ? Je suis obligé de vous poser la question, je suis confus. Est-ce tout simplement du racisme ? Ou alors du fascisme ?

« Je peux comprendre que, pour un facho, l’Etat sioniste représente une sorte de modèle absolu. L’enfermement des populations jugées dangereuses, la conception d’armes nouvelles, la séparation des peuples, la classification des individus… »

Réda Allali

Car, j’ai oublié de le préciser, chaque nouvelle élection vient colorer un peu plus votre empire de cette triste teinte. Je peux comprendre que, pour un facho, l’Etat sioniste représente une sorte de modèle absolu. L’enfermement des populations jugées dangereuses, la passion de la surveillance numérique, la conception d’armes nouvelles, la séparation des peuples, la classification des individus, le contrôle des esprits, tout y est…

Votre amour pour cet État serait-il donc une sorte de fascination pour la version la plus aboutie de ce que vous concoctez pour la planète ? Je ne sais pas, mais je vous pose officiellement la question, merci de transmettre votre réponse au magazine dans des délais raisonnables, car, encore une fois, il y a urgence. Pourquoi ? Parce que, il faut bien vous le préciser, je sens pousser autour de moi, sans pouvoir vous le décrire avec précision, un grand danger de radicalisation, sans doute légitime, devant votre délire. C’est tout pour la semaine, et merci.