Réforme de la Moudawana : jusqu’où pourra-t-on aller ?

Depuis 2004, de l’eau a coulé sous les ponts. Les rapports de force à l’œuvre lors de la réforme du Code de la famille il y a près de 20 ans ne sont plus les mêmes. Le contexte sociopolitique actuel permettra-t-il de dépasser les obstacles (notamment religieux) de 2004 ?

Par

TELQUEL

Si l’adoption d’un nouveau Code de la famille en 2004 a été vécue comme une avancée sans précédent par beaucoup de Marocaines, la société civile n’a pas tardé à déchanter en raison des failles que présente l’application de certaines dispositions du texte.

Mariage des mineurs, filiation, égalité dans l’héritage, divorce et pensions… en l’espace de 20 ans, les griefs se sont multipliés, et le vœu pieux d’une nouvelle réforme de la Moudawana s’est transformé en une véritable revendication.

Certes, l’article 19 de la Constitution de 2011 a institué l’égalité entre les hommes et les femmes, mais il n’a pas été suivi d’effets. En juillet 2022, le salut est venu du Palais : lors du discours du trône, le roi Mohammed VI — dont l’arbitrage avait permis, en 2003, l’aboutissement de la réforme — a évoqué explicitement la nécessité de réformer le Code de la famille.

Pourtant, durant l’année parlementaire qui suit, aucun département gouvernemental ne s’est saisi du dossier. Du coup, le 26 septembre dernier, plus d’un an après son discours, le souverain a mis la pression sur l’Exécutif en adressant une lettre royale au Chef du gouvernement. La réforme est désormais pilotée par Aziz Akhannouch, en étroite collaboration avec le président délégué du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire M’hamed Abdennabaoui, le ministre de la Justice Abdellatif Ouahbi, et le chef du Parquet El Hassan Daki.

Ces derniers doivent lui présenter, “dans un délai n’excédant pas six mois”, des “propositions d’amendements”, après s’être concertés avec les différents acteurs (magistrats, chercheurs, professionnels du droit de la famille…) et militants.

Une priorité pour le monarque, qui a de nouveau abordé la réforme lors de son traditionnel discours pour la rentrée parlementaire, le 13 octobre dernier : “Une société saine s’érige sur le socle d’une famille saine et équilibrée. Corrélativement, si la famille se désagrège, la société perd inévitablement la boussole”.

En juillet 2022, le salut est venu du Palais : lors du discours du trône, le roi Mohammed VI — dont l’arbitrage avait permis, en 2003, l’aboutissement de la réforme — a évoqué explicitement la nécessité de réformer le Code de la famille.Crédit: MAP

Mais les politiques et magistrats chargés de la nouvelle réforme auront-ils le courage de la mener, en franchissant (ou en contournant) l’obstacle que représentent les tenants d’un référentiel religieux traditionnel ? De quelle manière le Code de la famille actuel est-il détourné, permettant ainsi le mariage de 19.000 mineures rien qu’en 2021 ? Ou le retrait de la garde des enfants aux mères qui se remarient après un divorce ? Quelles sont les revendications de la société civile ? L’héritage est-il une ligne rouge, infranchissable ? Éléments de réponse dans la suite du dossier.

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