La mauvaise nouvelle, c’est qu’il n’y a rien de nouveau cette semaine. Comprenez, les amis, que l’actualité est toujours dominée par le bombardement de Gaza, telle est la triste réalité, avec son cortège d’images abominables, de souffrance, et surtout son insupportable charge d’injustice.
Partout, on ne parle que de ça, il est impossible de détourner le regard. Le Boualem est donc toujours collé à son téléphone, horrifié, à deux doigts de se radicaliser. Pourtant, un peu partout sur la planète, il a l’impression que les thèses du premier monde reculent, ces théories foireuses basées sur le droit à se défendre de la seule démocratie de la région qui compte sur l’armée la plus morale du monde. Il y a des guillemets partout dans la phrase précédente, bien sûr.
“Le Boualem a l’impression qu’un peu partout sur la planète, elles reculent, les théories foireuses basées sur le droit à se défendre de la seule démocratie de la région et l’armée la plus morale du monde”
Oui, au sein même de l’Empire, ils sont de plus en plus nombreux à considérer que ce massacre doit cesser, et chaque jour, ce camp se renforce, comme la marée qui monte. Bien entendu, il reste leurs gouvernements et leurs médias qui ânonnent toujours les mêmes sornettes avec une imbécile conviction, mais en réalité, même eux sentent que le vent tourne, voilà pourquoi ils mettent le paquet sur leur argument massue : l’antisémitisme. C’est ainsi qu’on a pu découvrir un antisémitisme inattendu chez les Chiliens, les Colombiens et les Boliviens, par exemple, ou au sein même d’organisations internationales qu’on imaginait respectables et qui, toutes, appellent à l’arrêt des bombes.
Reste la question, cruciale : et alors ? Que se passerait-il si, au mépris des opinions publiques, la seule démocratie de la région s’acharnait jusqu’à obtenir le déplacement de toute la population de Gaza, avec au passage un nombre de victimes surréaliste ? Autrement dit, est-ce que l’opinion du Boualem et de ses confrères est capable d’obliger l’Empire à lever le pied ? Peut-on vraiment, en 2023, se foutre complètement des émois d’une immense partie de la planète, comme il y a vingt ans en Irak, par exemple ?
En réalité, le Guercifi n’a pas la moindre réponse. Mais il a une certitude : il est très dangereux de faire comme si le conflit n’existait pas. Ce n’est pas de la prétention, soyez rassuré. Il n’a jamais pensé que ses opinions devaient compter, et il a suffisamment de sagesse en lui pour avoir accepté depuis longtemps qu’on puisse, sans grand dommage, se passer de ses avis. Il s’exprime même toute la journée, sans jamais penser pouvoir changer quoi que ce soit, à part son état d’esprit, ce qui est déjà considérable.
Mais, cette fois, c’est différent, allez savoir pourquoi. Il est important d’écouter tous les Boualem du monde, couscoussovores ou non, islamisés ou pas, barbares ou solubles dans l’Empire. Car si toutes les manifestations en cours ne sont pas entendues, si les tsunamis numériques ne servent à rien, si les indignations sont vouées à l’oubli, submergées par la prochaine polémique et la puissance du quotidien, alors le monde est en danger.
Plus rien ne pourra alors sauver l’Occident de la corruption morale qu’il a affichée durant cette crise. Ce sera alors officiellement le règne de la loi du plus fort, sans même qu’on doive mettre le minimum de forme pour faire croire qu’il existe quelque chose qui s’appelle le droit. Nous assisterons alors, non à la fin de l’universalisme, mais à celle de sa simple possibilité. Personne n’a envie de vivre dans ce monde-là, où l’utopie d’une justice internationale est ensevelie sous les décombres d’un cynisme qui ne se cache même plus pour régner. En résumé, le film qui se déroule sous nos yeux est épouvantable, et, à moins que la raison n’effectue une spectaculaire remontada, la suite risque d’être pire. C’est tout pour la semaine, et merci.