Il y a un peu plus d’un mois, le monde a basculé dans l’horreur et la guerre. Il y a un peu plus d’un mois, des innocents ont été massacrés. Des enfants. Des familles. Des fêtards. Des civils. Des innocents. Plus de 1300 morts et 240 otages. Et puis des parents qui s’inquiètent. Des enfants. Des amoureux. Des collègues. Des voisins. Des copains de classe et aussi des anonymes, des gens ordinaires qui s’inquiètent. Des parents, des enfants, des conjoints qui ne dorment plus. Qui se demandent où sont leurs gosses. Dans quels couloirs sont leurs proches. S’ils dorment, s’ils mangent, s’ils sont bien traités, s’ils n’ont pas froid, pas chaud, pas mal.
Et depuis un mois, la bande de Gaza est bombardée. Du nord au sud. Aveuglément. Des écoles. Des immeubles. Des maisons. Des hôpitaux. Des lieux de culte. Des sanctuaires. Des abris. Des refuges de fragilité. Des bombardements “ni ciblés ni proportionnés” pour reprendre les mots d’un homme d’État à qui la retraite permet l’honnêteté et la justesse. Des bombardements censés viser des terroristes et qui massacrent des civils. Des enfants. Des familles. Des journalistes. Des humanitaires.
Leur tort ? Vivre sur cette bande de terre, cernés par des murs qui enferment les rêves et confisquent les espérances. Plus de 10.000 morts en un mois. Plus de 10.000 morts ! Et tu ne sais même pas combien de blessés, d’amputés. Combien de blessés qui ne guériront pas. Un désastre humanitaire. Un carnage humain. Un cessez-le-feu qui se fait de plus en plus urgent.
Des enfants crèvent et l’avenir semble mourir tous les jours un peu plus. Et toi, au beau milieu de ces flots d’informations, au milieu de ces images horribles, tu ne sais pas quoi faire. Alors tu angoisses. Tu as peur. Peur que la région ne sombre définitivement. Peur que le monde s’embrase. Peur que cela ne s’arrête pas. Tu ne vois pas comment ça pourrait s’arrêter. Jusqu’à quand cette guerre va-t-elle durer ? Tu te demandes qui aura le courage d’arrêter cette escalade. Parce que oui, tu es absolument convaincue qu’arrêter cette escalade de l’horreur serait un acte de courage.
“Arrêter cette escalade de l’horreur serait un acte de courage”
Oui, le vrai courage est sans doute là. Le courage de libérer les otages. Le courage de cesser les bombardements. Le courage d’exiger d’ouvrir des couloirs humanitaires. Il faut du courage pour faire la paix. Tellement plus que pour faire la guerre. Et en attendant que des dirigeants dirigent avec courage, toi et tous les gens autour de toi regardez cette situation avec impuissance et effroi. Ne parlant que de ça, n’angoissant que de ça. Comme si plus rien d’autre n’avait d’importance. Ça fait un mois que tu vis, que tu manges, que tu parles, que tu t’engueules à propos de ce conflit. Comme si plus rien d’autre ne comptait vraiment.
Et puis, il y a trois jours, ton téléphone sonne. Ta mère, la gorge nouée. Ton oncle en réa. Quelques mots, des images qui défilent et tout plein d’incertitudes. Tes yeux humides et ton cœur un peu plus lourd. Moins d’une heure plus tard, te voilà dans ce couloir d’hôpital. Ta famille au complet. Tes tantes et leur mine de circonstance, tes cousins devenus experts médicaux comme ils étaient politologues jusqu’à la veille et ta mère derrière ses lunettes de soleil. Pas beaucoup de mots.
Il y a une bataille à mener. Une toute petite bataille à l’échelle des enjeux du monde. Tu n’es pas en guerre. Tu as le cœur en miettes. Ce n’est pas très grave. C’est tellement important. Il n’y a que ça qui compte : la vie. Dans ce couloir d’hôpital où tes yeux inquiets croisent des regards d’inconnus angoissés, mais aussi dans ces théâtres de l’horreur sur la planète, c’est la vie pour laquelle on se bat. Ce n’est que de ça dont il s’agit. Ces vies que l’injustice fauche et ces vies qu’on pleure, ces vies qu’on tente de sauver.