Le Boualem, et le monde sur le point de se crasher

Par Réda Allali

Souvenez-vous, les amis, c’était il y a une vingtaine d’années. Monsieur Bouche, alors à la tête de l’empire, s’était mis en tête d’envahir le pays d’un lointain moustachu qui lui déplaisait. Contraint par le savoir-vivre de produire quelque raison pour justifier cette audacieuse initiative, il avait envoyé un sbire exhiber sous les yeux de la planète une quelconque poudre blanche en nous expliquant qu’il s’agissait d’anthrax, que Dieu nous en préserve. Il avait, par ce geste monumental, établi un nouveau record de sortage des yeux, reconnaissons-lui ce point.

À part les plus demeurés d’entre nous, personne n’avait mordu à l’hameçon, il s’était même trouvé quelques millions de personnes qui, de par le monde, avaient décidé d’envahir les rues pour manifester leur refus de la guerre absurde du Bouche. Zakaria Boualem faisait partie de cette cohorte, consciente que ce qui se jouait sous nos yeux ébahis était une sinistre comédie. Pourtant, on ne peut pas considérer que le bougre disposait d’informations confidentielles, c’est dire à quel point la manipulation était grossière.

La guerre de Bouche a bien eu lieu, et peu d’analystes sérieux considèrent qu’elle ait grandement contribué à l’amélioration du sort de la planète. Il est aujourd’hui officiellement admis qu’il s’agissait d’un enfumage, et même le sbire, qui a rejoint son créateur depuis, a avoué sa forfaiture avant son trépas. Pourtant, le Bouche, la dernière fois que Zakaria Boualem s’est intéressé à son sort, peignait, regardez comme c’est mignon, des portraits de vétérans. Il ne croupit dans aucune espèce de geôle pour expier sa félonie, en vertu d’un privilège dont jouissent les gouvernants de l’empire.

“Ce qui le rend fou, le Boualem, c’est de voir la planète foncer dans le mur, alors que tout le monde en est conscient, et que, bonus suprême, l’impunité des pilotes responsables du crash est assurée”

Réda Allali

Si le Guercifi a pris le temps de rappeler ce sinistre épisode, c’est parce qu’à l’époque, il se demandait par quelle diablerie on arrivait à imposer aux peuples, conscients de l’entourloupe dont ils sont victimes, ce type de décisions injustes, dangereuses. Comme tout le monde autour de lui, il voyait la catastrophe se profiler, et elle s’est bien pointée, dans des proportions encore plus affreuses que celles qu’il imaginait. Ce qui le rend fou, le Boualem, c’est de voir la planète foncer dans le mur, alors que tout le monde en est conscient, et que, bonus suprême, l’impunité des pilotes responsables du crash est assurée.

Aujourd’hui, il a exactement le même sentiment. Les gouvernants de l’empire disent tous la même chose : le soutien inconditionnel au pays qui a le droit de se défendre, qui peut tout bombarder parce qu’il est la victime, ce genre de sornettes. Et les peuples disent autre chose. À chaque fois qu’ils peuvent s’exprimer, ils disent même exactement le contraire.

Pour démontrer ce point, on peut commencer par regarder un peu ce qui se passe dans les tribunes de foot. À Liverpool, Pampelune (Osasuna), Glasgow, les drapeaux palestiniens sont exhibés, au mépris des consignes officielles. Dans les rues, c’est flagrant, puisqu’à Paris, New York ou Copenhague, les manifestants ont défilé pour demander un cessez-le-feu. Ils ont aussitôt été taxés d’antisémitisme, on connaît la technique.

Encore une fois, si le Boualem insiste, ce n’est pas par mauvais esprit. C’est juste parce qu’il a la conviction qu’on rejoue un remake encore plus tragique de l’épisode du Bouche. On finira par se dire qu’il fallait gesticuler avec plus d’énergie pour arrêter la catastrophe, dont la facture va être présentée à la planète pendant des années, des décennies. C’est tout pour la semaine, et merci.