Condamnés au désespoir

Par Fatym Layachi

Ça fait des jours et des nuits que l’actualité est effroyable. C’est l’horreur. Et c’est toute une région qui est sur le point de basculer dans une horreur sans précédent. Jamais tu n’avais eu aussi peur que le monde entier ne s’embrase. La bande de Gaza est soumise à un siège total et inique depuis des jours.

Ce n’est pas la guerre. C’est pire. Bombarder des civils, ce n’est pas de la défense. C’est un crime de guerre. Quand on bombarde une école, un hôpital, une boulangerie, on ne lutte pas contre le terrorisme, on commet un crime avec une intention criminelle. Une école a été bombardée. Un hôpital a été bombardé. Une école et un hôpital. Des sanctuaires d’humanité. Des refuges. Une école et un hôpital.

Ce n’est pas la guerre. C’est une impasse sanglante. Plus de 3000 morts. Dont plus de 1000 enfants. Et avec cette sinistre certitude que les heures qui passent, les jours qui passent, invalident ces macabres bilans. Demain sera pire. Les lendemains seront pires. Il y aura plus de morts. Plus de tués. Et ces milliers de morts, ce sont des civils. Des innocents. Des enfants.

“Gaza était déjà une prison. C’est en train de devenir un mouroir”

Fatym Layachi

Leur tort ? Celui de vivre à Gaza. Dans cette prison à ciel ouvert. Dans cette prison à ciel ouvert où sont assoiffés, affamés des innocents. Vivant sous un blocus maritime, terrestre et aérien imposé par Israël et appuyé par l’Égypte depuis 16 ans. Vivant sur une terre asphyxiée. Vivant enfermés sur une bande de terre de 41 kilomètres de long sur 10 kilomètres de large. Ce sont plus de 2 millions de Palestiniens enfermés entre une Méditerranée dont l’horizon ne fait même pas rêver et des murs. C’était déjà une prison. C’est en train de devenir un mouroir.

Les cadavres s’entassent. Les cadavres s’entassent dans cette prison où l’on manque de tout. Où l’on manque même de sacs mortuaires. Les morgues débordent. On va jusqu’à entreposer des corps dans un camion auparavant utilisé pour vendre des cornets de glace devant un collège. On emballe les corps, on improvise des linceuls. Un médecin en est réduit à soigner des infections avec du vinaigre. Un père ramasse les fragments de son fils dans un sac en plastique qu’il porte à bout de bras. Des gosses écrivent leur nom sur les paumes de leurs mains pour pouvoir être identifiés en cas de bombardements.

Des gosses ! Des enfants innocents ! Des enfants innocents dont le seul tort est d’être nés dans cette enclave, qui se savent condamnés au désespoir. Des civils qui n’ont pas où se cacher, où se réfugier lorsque des bombes s’abattent aveuglément sur leur tête. La revanche aveugle, mortifère, ne mènera à rien de lumineux. Nulle part. Toutes les instances civilisatrices, donneuses de leçons, gardiennes de la morale doivent appeler au cessez-le-feu. Doivent condamner les bombardements.

C’est un devoir d’humanité, mais c’est aussi et surtout une question de droit international. En assoiffant Gaza, en affamant Gaza, ce sont plus de 2 millions d’habitants, des femmes, des enfants, des malades, des vieillards, que l’on prive de leurs droits élémentaires, du respect de la dignité humaine.

Que des États dits “de droit” aient refusé d’appeler à un cessez-le-feu te révolte. Que des instances internationales, censées porter des valeurs d’universalisme, semblent oublier ces valeurs, te révolte. À moins que l’universalisme ne soit pas universel, justement…

Une vie est une vie. Ce n’est pas discutable. Et donner l’impression à un peuple opprimé que la vie de ses enfants ne vaut peut-être pas grand-chose, c’est tout aussi criminel que de bombarder ces enfants. Alors si, comme tu le lis un peu partout en ce moment, ces dernières semaines ont été un test pour l’humanité, tu ne peux que regretter que l’humanité ait failli. Absolument failli. Totalement merdé.