Il y a une semaine, tu t’es réveillée sur des images d’horreur. Tu as ouvert les yeux sur des images effroyables. Une attaque terroriste à très grande échelle. Un massacre. Des images insoutenables. Des traînées de sang sur le bitume, des corps exhibés comme des trophées, des fêtards, encore étourdis, hurlant, des femmes gisantes nues, des vieillards kidnappés, des passants massacrés, des familles qui fuient en courant, des villages en feu et partout le chaos.
Du chaos et de l’effroi. Des images insoutenables. Des visages qui te hantent. Des centaines de civils, hommes, femmes, gamins ; des centaines d’innocents tués, assassinés, violés, violentés, martyrisés par des monstres. Des monstres sans visages, cagoulés. Le visage caché par le masque odieux de la cruauté. Le visage caché derrière le masque immonde du terrorisme.
Car il ne s’agit que de ça au final. De terroristes qui ont semé la terreur. Et c’est ça qui te révolte. C’est ça qui t’attriste. C’est ça qui te sidère. C’est ça qui te fait flipper aussi. Au-delà de toute critique politique, avant même tout débat politique. Bien avant toutes les rhétoriques habituelles du conflit, ce qu’il s’est passé samedi, ce sont des actes de barbarie.
Et toi, tu condamnes la barbarie. Toutes les barbaries. Peu importe de quoi elle fait semblant de se nourrir, peu importe les drapeaux dans lesquels elle fait semblant de se draper. Tu condamnes la barbarie. Parce que barbare, justement. Et si tu condamnes la barbarie c’est parce que tu es humaine. Juste parce que tu es humaine. C’est ce que tu es avant tout. Et c’est ce que tu espères rester malgré tout. Le terrorisme, la barbarie, la cruauté te révoltent. Peu importe d’où les bombes sont tirées. Parce que tu es humaine. Les morts, les civils pris en otage, les femmes violées te rendent triste et te révoltent. Peu importe leur nationalité, leur religion, leur couleur de peau ou celle de leur bulletin de vote. Juste parce que tu es humaine.
Les célébrations de l’atrocité t’écœurent. Peu importe d’où elles viennent. Là encore c’est parce que tu es humaine que jamais tu ne comprendras qu’on puisse célébrer l’atrocité. Juste parce que tu es humaine. Justement parce que tu es humaine, tu estimes qu’il n’ y a rien à célébrer dans l’atrocité. Il n’y a rien à gagner. Ce n’est pas un match de foot. Il n’y a pas une équipe qui en affronte une autre. Il n’y aura pas de gagnant. Il n’y a pas de but à compter. On compte les morts. On compte les morts, les blessés, et des familles prient pour retrouver leur gosse, leur frère ou leur sœur disparus. C’est atroce. C’est atroce dans l’absolu.
« Aucune cause, si juste soit-elle, aucune colonisation, aussi abjecte et inhumaine soit-elle, ne pourrait excuser des assassinats d’enfants, des décapitations d’innocents et des viols de femmes terrifiées »
Et tenter de contextualiser cette atrocité, tenter de l’expliquer, ce serait pour toi commencer à l’excuser. Alors, bien évidement que tu ne comprends sans doute rien à la géopolitique, mais tu t’obstines à croire qu’aucune cause, aussi juste soit-elle, aucune lutte, aussi légitime soit-elle, aucune colonisation, aussi abjecte et inhumaine soit-elle, ne pourrait excuser des assassinats d’enfants, des décapitations d’innocents et des viols de femmes terrifiées.
Et que tous les chantres de la justice statistique et autres comptabilités de l’horreur te pardonnent de ne pas avoir leur cynisme. Tu es sans doute un peu simpliste mais tu te dis que si un jour tu n’as pas envie de chialer en voyant un innocent crever, que si un jour tu n’as pas envie de hurler quand une femme se fait violer, alors tu auras perdu un peu de ton humanité. Tu espères ne jamais en arriver là. Comprendre la barbarie, la justifier, c’est perdre de son humanité. Aucun drapeau ne mérite de perdre son humanité. Aucune cause ne peut légitimer l’horreur.