La Coupe du monde, le Boualem et l'art du boulfaf

Par Réda Allali

Nous vivons une période prodigieuse, c’est désormais incontestable. Souvenez-vous, la semaine dernière, Zakaria Boualem vous proposait une pleine page de jérémiades sans intérêt, plombée par une humeur maussade et un manque d’imagination flagrant. Quelques heures après avoir produit ce texte, la nouvelle est tombée, telle la foudre. Nous allons organiser la Coupe du Monde, les amis, et personne ne peut prétendre échapper à l’impact tellurique de cette information colossale.

Jamais le Guercifi n’aurait pensé écrire pareille phrase sans qu’elle ne soit frappée du sceau de l’ironie. Lui-même, le bougre, a produit sur ce sujet à peu près tout ce qu’un cerveau humain peut imaginer comme sarcasmes divers. En gros, il considérait ces candidatures comme le fruit d’une sorte de prétention déplacée, qui se heurtait à des refus vexants, motivés par la faiblesse de nos structures. Tout cela est fini.

Nous avons trouvé la formule magique : en s’alliant enfin avec nos voisins, nos faiblesses sont devenues des forces. Il faut le dire : cette triple entente est un coup de génie, elle est pleine de sens, tellement belle qu’on se demande s’il ne faut pas faire une Coupe du Monde féminine, junior, une autre de basket, et même organiser un nouveau Woodstock sur le même modèle. Dès qu’elle a été annoncée, cette alliance s’est parée du noble éclat de l’évidence, voilà la vérité, et elle s’est imposée sans le moindre effort.

Mais le Boualem ne s’attendait pas à voir tomber l’annonce aussi tôt, sans même la préparation mentale nécessaire à celui qui va encaisser un sérieux choc émotionnel. Oui, soudain, on nous annonce la Coupe du Monde chez nous en 2030. Quand il a entendu la nouvelle, le Boualem a commencé par s’inscrire dans une salle de sport, juste avant de faire le ménage dans son frigo. Il s’agit désormais d’arriver à cette date fatidique dans un état de forme étincelant, pour accueillir la planète dans ses plus beaux atours.

Oui, le Zakaria Boualem est devenu mondial. Il se doutait un peu, en vérité, qu’il avait quelque chose de spécial, mais il n’osait trop l’affirmer, de peur du ridicule. Il faut reconsidérer qui nous sommes, avec le plus grand des sérieux, car il s’est passé quelque chose de difficile à expliquer. Le Maroc, mesdames et messieurs, a quelque chose à offrir au monde, c’est désormais incontestable. Est-ce le sens de l’hospitalité, celui du second degré, l’art du bisou sur la tête ou celui du boulfaf ? Il est encore trop tôt pour le déterminer, mais il faut prendre le temps d’y réfléchir.

« Il s’est trouvé quelques tristes sires pour geindre sur cette Coupe du Monde se tenant sur trois continents : on ne les a pas entendus grogner, ces calamars, quand la Coupe du Monde a été annoncée aux États-Unis, au Canada et au Mexique… »

Réda Allali

Nous allons organiser une Coupe du Monde, il faut le répéter. Trois pays sud-américains ont récupéré chacun un match et tout le reste ira aux alliés du détroit. Certes, il s’est trouvé quelques tristes sires pour geindre sur cette Coupe du Monde qu’il présentent, avec mauvaise foi, comme se tenant sur trois continents, mais ils ne parviennent pas à dégrader l’état de félicité dans lequel est plongé notre héros. On ne les a pas entendus grogner, ces calamars, quand la Coupe du Monde a été annoncée en Russie, au Brésil, encore moins aux États-Unis, au Canada et au Mexique, ces immenses étendues qui surpassent largement celle des trois pays de 2030. Oublions-les, ils sont encore une fois prisonniers de leur aigreur. Il ne faut même pas leur répondre, car la colère entame l’espérance de vie, et celle du Boualem est devenue soudain très importante. C’est tout pour la semaine, il faut s’économiser, et merci.