Sans faire de vagues, Staffan de Mistura est arrivé à Laâyoune le lundi 4 septembre. A l’approche de la remise de son rapport au secrétaire général de l’ONU, de Mistura tente d’apprécier l’évolution de la situation sur le terrain. Mais sa tâche est rude. À quelques semaines de la prochaine résolution onusienne (octobre), force est de constater que l’envoyé personnel du Secrétaire général n’a pas réussi à faire avancer le dossier.
De Mistura est évidemment entravé par le non-respect de la résolution précédente, la 2654, par les parties prenantes que sont l’Algérie et le Polisario. Ce dernier rejette tous types de négociations, réfutant les progrès réalisés dans ce dossier par l’approche onusienne. Pis, le mouvement séparatiste balaie d’un revers de main tous les acquis du dossier, et souhaite réinstaller comme base de négociation le plan de règlement de 1991 qui évoque la tenue d’un référendum d’autodétermination dans les provinces du Sud.
L’Algérie, de son côté, revient à ses vieux démons. Alors qu’elle a participé par deux fois au mécanisme des tables rondes institué par l’ancien envoyé spécial Horst Köhler, elle réfute désormais un quelconque rôle dans ce dossier, arguant que le conflit oppose uniquement le Maroc et le Polisario. Suite à une visite effectuée par le ministre algérien des Affaires étrangères à Washington en août dernier, Alger s’est même permis de retoucher une expression du département d’Etat parlant de “toutes les parties concernées”, qui deviendra “deux parties concernées”.
Dans l’absolu, rien de ce que la résolution précédente avait préconisé n’a été suivi par Alger et le Polisario. Ce dernier a poursuivi ses attaques le long du mur de défense, il a persisté à gêner l’action de la Minurso et, bien entendu, avec l’assentiment d’Alger, n’a jamais entamé un quelconque recensement des populations réfugiées à Tindouf. De son côté, Alger a boudé les négociations, déplorant le “déséquilibre élémentaire consenti par ce texte (la résolution 2654, ndlr.) qui manque cruellement de responsabilité et de lucidité”.
À l’approche de la résolution d’octobre, les États-Unis semblent vouloir bouger les lignes. Le sous-secrétaire d’Etat adjoint pour l’Afrique du Nord, Joshua Harris, s’est rendu à Rabat en coup de vent, le jeudi 7 septembre, après une visite de quelques jours en Algérie. Au terme d’un tête-à-tête avec Nasser Bourita, le diplomate américain a réaffirmé le soutien des États-Unis au plan marocain d’autonomie, considéré “comme sérieux, crédible et réaliste”.
Les rumeurs disaient qu’Harris était venu avec un plan de médiation entre Rabat et Alger dans son attaché-case. Mais le sous-secrétaire d’Etat n’en a fourni aucun signe. L’entretien qu’il a accordé le 5 septembre au journal algérois El Watan est un modèle de politiquement correct. “Trouver une solution politique durable et digne” est son mantra. Harris s’est aussi rendu à Tindouf pour rencontrer le chef du Polisario Brahim Ghali. Il qualifiera les conditions de vie dans les camps “de situation très grave”. Mais ça s’arrête là.
Pour le Maroc, le statu quo, naturellement, n’est jamais bon. Seulement, dans l’état actuel des choses, le momentum semble être de notre côté. Hormis la Russie qui s’abstient depuis six ans de voter en faveur des résolutions du Conseil de sécurité, les autres puissances représentées dans ce cénacle, en tout cas les permanents, sont très sensibles au plan d’autonomie proposé par le Maroc. Elles soutiennent l’approche politique de l’ONU et prônent le dialogue entre les parties impliquées qui, bien sûr, incluent l’Algérie.
“Plus le temps passe, plus le Maroc engrange des reconnaissances de sa souveraineté sur le Sahara et des appuis francs à son plan d’autonomie (…) Plus Alger et le Polisario s’arc-boutent, plus le vent souffle dans les voiles du Maroc”
Le Maroc respecte scrupuleusement les résolutions émises chaque année par le Conseil de sécurité, contrairement au Polisario et à l’Algérie qui les battent ouvertement en brèche. Au fond, le royaume est l’élève modèle du processus onusien. De ce fait, que l’ONU renvoie la même balle année après année, renouvelant sans mauvaise surprise le mandat de la Minurso, n’est pas de nature à gêner le royaume. Au contraire, plus le temps passe, plus le Maroc engrange des reconnaissances de sa souveraineté sur le Sahara et des appuis francs à son plan d’autonomie : l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique, les Pays-Bas, Les États-Unis et Israël se sont rangés dans notre camp. Les représentations consulaires s’enchaînent à Laâyoune et à Dakhla (on peut tout de même déplorer que la promesse des États-Unis d’inaugurer un consulat à Dakhla n’ait pas encore été tenue). Les investissements publics ne cessent de se déverser sur nos provinces du Sud, au point d’en faire la région où le revenu par habitant est le plus élevé du Maroc.
Plus Alger et le Polisario s’arc-boutent, plus le vent souffle dans les voiles du Maroc. En parallèle, le ministère des Affaires étrangères opère une politique de containement du Polisario dans les instances internationales qui réussit plus qu’elle n’échoue. Cela peut paraître long et fastidieux, mais le processus onusien, bien que chronophage et étalé dans le temps, joue en faveur du Maroc. Dans ce dossier, les victoires ne sont jamais spectaculaires, elles s’arrachent au compte-gouttes. Patience.