Voilà c’est fait. Israël a reconnu la marocanité du Sahara. C’est par une missive du Premier ministre Benjamin Netanyahu que cette “décision d’Etat” est tombée. Un communiqué du cabinet royal en a décliné la substance le 17 juillet. Israël reconnaît la souveraineté du Maroc sur le Sahara, s’engage à “refléter cette décision dans tous les actes et les documents pertinents du gouvernement israélien”, à en faire part à l’ONU ainsi qu’à toutes les organisations internationales dont Israël est membre. Enfin, l’État hébreu “examine positivement l’ouverture d’un consulat dans la ville de Dakhla”.
Le propos est limpide, sans fioritures. Cette reconnaissance a valu à Netanyahu un message de vifs remerciements de la part du roi Mohammed VI, ainsi qu’une invitation à visiter le Maroc. Le royaume décroche donc la reconnaissance d’un poids lourd du concert des nations. Il s’agit à la fois de la 7e puissance mondiale (PIB/habitant), d’un allié indéfectible des États-Unis et de l’Occident, d’un Léviathan militaire et technologique, et, surtout, d’un pays à l’influence vaste. Fort d’une communauté disséminée aux quatre coins du monde, pourvue de ressources financières et politiques significatives, Israël possède un levier d’influence supranationale décisif.
En obtenant, le 10 décembre 2020, la reconnaissance de la marocanité du Sahara par le président républicain Donald Trump, le Maroc s’attendait à une réaction en chaîne. La diplomatie marocaine, naturellement, escomptait des alliés arabes (hors monarchies du Golfe) qu’ils emboîtent le pas à l’ex-président américain. En vain. L’Égypte, pourtant chantre du panarabisme nassérien, est restée muette ; la Tunisie, dirigée par l’autocrate Kais Saied, a même indirectement pris fait et cause pour les séparatistes, roulant à la remorque du ténébreux voisin algérien. Inutile d’en lister davantage.
“Israël, d’un trait de plume, a fait pour le Maroc plus que l’essentiel du monde arabe en cinquante ans”
En son temps, Hassan II a éclusé une bonne partie de son règne à essayer de fédérer les pays maghrébins et arabes dans une sorte d’union sacrée postcoloniale, qui aurait permis une renaissance commune. Mais le monde arabe est comme vicié dans son logiciel. Perclus de jalousies, de doutes, d’animosités, cet ensemble est globalement mal dans sa peau. Aplanir des différences de points de vue souvent superficielles pour aboutir à l’unité lui est impossible. Si l’Europe a su dépasser les stigmates de la guerre pour s’unir, le monde arabe n’a jamais réussi à se délester de ses passions tristes pour former un semblant de collectif. Ainsi, Israël, d’un trait de plume, a fait pour le Maroc plus que l’essentiel de ce monde arabe en cinquante ans.
Passons à nos alliés européens, là aussi les réactions à la reconnaissance de Trump ont contrasté en intensité. Après le mauvais feuilleton Brahim Ghali et la crise de Sebta, l’Espagne du socialiste Pedro Sánchez s’est alignée sans équivoque sur le plan d’autonomie proposé par le Maroc. Il en fut de même pour les dirigeants néerlandais, allemands, belges…
Le gros point noir demeure la France, cet allié historique dont le président s’arcboute sur des positions surannées et des tropismes viscéraux pour une Algérie qui le lui rend très mal. Sommé par le chef de file de LR, Eric Ciotti, et par un député de sa propre majorité, le Modem Bruno Fuchs, de revoir sa copie marocaine dans le sens indiqué par Tel-Aviv, Macron s’accrochera-t-il à son dogme pro-algérien ?
Toujours est-il que ces deux dernières années ont démontré avec éclat que, souvent, les vrais amis ne sont pas ceux qui bavardent à n’en plus finir sur “l’amitié indéfectible qui les lie au Maroc”. Beaucoup ont parlé, peu ont agi.
Prenons Israël. En deux ans, l’État hébreu a déplacé ses officiels en masse au Maroc ; il a ouvert un bureau de liaison, nommé un attaché militaire, signé un partenariat militaire stratégique, déployé ses grands patrons en mode exploratoire, ouvert une ligne aérienne, fourni des armes de pointe au Maroc, et en bout de course reconnu la marocanité du Sahara avec la promesse d’une ouverture de consulat à Dakhla.
Là où beaucoup tergiversent, Tel-Aviv a posé des actes. Pendant cinq décennies, les pays arabes ont fait usage du dossier du Sahara comme une carte potentielle pouvant être abattue pour fragiliser le Maroc. À aucun moment, à l’exception des pays du CCG (Conseil de coopération du Golfe), ils ne se sont rangés avec force du côté marocain.
Au final, la reconnaissance de la marocanité du Sahara par Israël donne un triste relief, par contre-point, à l’inconsistance des partenaires arabes. Elle souligne leur indisposition à reconnaître l’intégrité territoriale d’un pays ami et allié, avec la sincérité que confère à cette reconnaissance la légitimité historique de l’appartenance du Sahara au Maroc. Ni Israël, ni les États-Unis ne se sont embarrassés du “processus onusien” pour exprimer le fond de leur pensée. Qu’ils l’aient fait par cynisme, par intérêt, par realpolitik, ou par pure conviction, peu importe ! L’histoire retiendra qu’ils ont sauté le pas. Ce que le “monde arabe” n’a jamais osé faire. Et encore moins Emmanuel Macron.